Pi

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25 octobre 2024 18:54

Aidant au fond du gouffre  

Bonjour,

Mon époux a 91 ans, et moi 63 ans, nous sommes ensemble depuis 24 ans, et il vient d’être placé en Ehpad et je m’en veux terriblement. C’est sur l’insistance des gériatres (depuis 2022), de son médecin traitant (depuis 2020), de ses enfants (depuis juillet 2024), que j’ai accepté de signer la demande par l’intermédiaire d’une assistante sociale de l’hôpital car j’étais en épuisement total.
Je précise qu’il a lui-même accepté mais je pense qu’il ne se rendait pas compte de ce qu’était ce genre d’établissement.
 Il souffre de démence vasculaire, il prend un anti psychotique, anti dépresseur, anxiolytique et bien sûr sa médication actuelle. Il ne peut plus marcher, passe du fauteuil au lit et du lit au fauteuil, est devenu incontinent fécal et urinaire, a des problèmes de déglutition. A la maison, je lui mixais tout et lui donnait de l’eau gélifiée, mais comme cela ne suffisait pas car il refusait de prendre cette eau, il a fallu le mettre sous perfusion pour l’hydrater, avoir de l’oxygène car il descendait régulièrement au-dessous de 90. Il a beaucoup maigri, Il avait des comportements parfois insupportables, me criait dessus, m’insultait, puis pleurait, faisait du chantage affectif, manipulait ses enfants contre moi, bref, me faisait vivre un enfer…Avec toute la charge de travail que j’avais avec lui, j’avais en plus cette charge mentale très difficile à supporter. Je m’en suis toujours occupée seule car nous habitons à 300 KM de chez ses enfants (qui était aussi son chez lui avant que nous décidions de vivre ensemble).

Ses enfants ne se sont jamais vraiment occupés de leur père, il faut dire que leur histoire familiale ne s’y prêtait pas et ils ont bien été contents que l’on parte vivre dans le Sud en 2012, de ce fait, nous étions trop loin, ils travaillaient, j’étais sa femme et selon eux, c’était mon devoir de m’en occuper. Ils ne sont intervenus que très récemment en juillet, pour dire qu’ils étaient contre un retour à domicile, qu’il y serait très bien soigné, entouré de professionnels, que sa place n’était plus à la maison. Au début, j’ai refusé, (comme je l’ai fait depuis 2020) car tout avait été mis en place à la maison. il avait des barres parallèles pour marcher, un déambulateur, je le soutenais quand il voulait absolument prendre ses béquilles, les toilettes, la douche, tout a été sécurisé. Puis petit à petit, il a fallu un lève personne car je n’y arrivais plus, un lit médicalisé avec matelas anti-escarres,  une infirmière qui venait tous les jours car il a eu une méchante escarre au talon lors d’un séjour prolongé à l’hôpital, et des bobos partout à force de vouloir absolument se lever et tomber…
J’ai fait une demande d’APA qui l’a classé en GIR 1 et l’on m’a octroyé une auxiliaire de vie 2 fois par jours, 7 jours sur 7. J’avais en plus une auxiliaire indépendante mais cela n’a pas suffi, son maintien à domicile était devenu très difficile, il faisait constamment des allers-retours maison 

Pour finir, ils m’ont tous dit « stop » ça suffit !

 

Cela fait 3 semaines qu’il est en Ehpad, je vais le voir tous les jours et parfois Dieu sait si je n’en ai pas envie, j’y vais la boule au ventre car je sais qu’il va me harceler car il refuse d’y rester, ne veut voir aucun résidents qu’il traite de vieux croulants, que ce n’est pas un endroit pour lui, il est très négatif, fait du chantage, me rend seule responsable de son placement. Il pense qu’il doit absolument se rétablir pour rentrer à la maison, et pour lui, cela passe uniquement par la rééducation. Il en fait donc tous les jours et je le laisse le croire mais je me demande si j’ai raison de faire cela car je me sens perdue, c’est pour moi comme si je lui mentais.
 Il refuse de prendre en compte mon épuisement et estime que je suis là pour m’occuper de ses vieux jours (différence de génération et ce que cela implique).
Ses enfants veulent maintenant le rapprochement familial pour le placer dans un Ehpad près de chez eux, (ils ne sont pas venus depuis son placement) certainement pour ne pas avoir à faire la route je suppose et je ne pense pas être mauvaise langue…

A la maison, c’était l’enfer durant la journée et la nuit,s'il ne pouvait pas dormir, il refusait que je dorme, à l’Ehpad, c’est hyper concentré sur 2 heures et c’est extrêmement épuisant de le voir comme ça et de l’entendre se plaindre, me reprocher de l’avoir mis là, de me faire du chantage de grève de la faim, de la soif, de se jeter par la fenêtre ou du lit, j’en ai le cerveau en ébullition et cela ne s’arrête pas dès que j’en sors,  je ne sais plus quoi faire. Je peux retourner le problème tous les sens, je ne vois pas de solution. S’il revient à la maison, ce sera comme quand il est parti, voire pire, s’il va en Ehpad près de ses enfants, ils auront le même problème de refus que moi après 10 jours sur place, et je resterai toujours responsable de lui. Je ne parle même pas du souci financier car depuis son entrée en Ehpad, il va me rester 500 euros pour vivre une fois toutes les charges payées. J’ai demandé une aide à ses enfants, ils ont refusé me disant que je n’avais qu’à faire une demande d’ASH au conseil départemental et que s’ils devaient être obligés de participer, ils le feraient.

Voilà, je pourrais écrire encore quelques pages mais j’espère que ces lignes auront bien expliqué la détresse dans laquelle je me trouve.

Si quelqu’un a vécu une situation similaire et s’en est sorti(e), je suis preneuse de conseils pour y voir plus clair. Merci de m’avoir lue.

Pi

 

 

 

 

Réponse
1 message d'expert
Isabelle Charret Médecin gériatre 28 octobre 2024 21:18

Aidant au fond du gouffre  

Bonsoir Pi,

 

Vous avez fort longuement et précisément décrit votre situation de vie. Des lignes supplémentaires sont inutiles : c’est déjà assez lourd ainsi mais au moins vous avez mis des mots, vous avez fait sortir (ex-primé) votre situation terrible, hélas ! fréquente sinon banale.

 

Votre question arrive à la fin : d’autres personnes ont ils vécu la même chose ? OUI ; s’en sortent ils ? NON sauf à lâcher beaucoup et à se faire aider.

 

Un constat imparable : l’impossibilité totale de revenir en arrière sur le plan de la dégradation cognitive et comportementale. La démence vasculaire est très évoluée, des lésions de décubitus se forment, il va du lit au fauteuil et de votre côté, l’épuisement total. Ce n’est pas étonnant : vous avez transformé la vie de couple à deux en vie médicalisée à l’extrême à deux.

Comment se transformer seule en assistante de vie totale alors que dans bien des services même correctement dirigés avec des soignants top, on n’y arrive pas ?

 

La maladie de votre époux est grave, évolutive et la liste des traitements psychotropes ne l’améliore guère,

Vous êtes au bout de ce que vous pouvez faire

Ses enfants qui se sont peu occupés de votre mari ont tout de même des réactions « raisonnables » quelles qu’en soient les raisons qui les dictent : EHPAD car ce n’est plus possible et rapprochement familial (avec participation financière possible).

 

Voyez donc le passé Et l’avenir :

  • 24 ans de vie commune, de bons souvenirs probablement
  • un dévouement extrême dans l’accompagnement de la maladie, les efforts pour soulager sa vie en EHPAD qu’il ne peut pas totalement comprendre en raison des lésions de son cerveau (vous savez, vouloir partir est naturel, irraisonné et structurer une telle pansée de chantage est certainement au dessus de ses capacités cognitives)
  • Votre jeunesse de 63 ans qui va être sérieusement affectée (les aidants, s’écroulent, se négligent, font des infarctus, des accidents graves etc)
  • Une offre de passer la main par ses enfants. (Attention, cela doit se faire dans les règles légales afin que vous ne soyez pas accusée de négligence). Pourquoi les priver de faire enfin quelque-chose ?
  • La maladie de votre époux ne peut que s’aggraver hélas !
  • L’avenir est de réserver des moments heureux de façon mesurée : une visite tous les jours, dormir sur place est déraisonnable et il est difficile d’y échapper d’où l’utilité de se faire aider comme vous le faites en nous contactant .Vous pouvez faire un transfert en allant le voir deux jours de suite de façon qualitative : beaux moments.

 

Facile à dire ? Difficile à faire ? Non, c’est le cœur de notre métier de suggérer sans juger mais en sachant fort bien au vu de nos dizaines d’années d’accompagnement des aidants ce qui est bon pour chacun d’entre eux. Bon ou du moins «  moins pire ».

 

Cela semble à toutes les personnes dans votre cas, impossible à faire et puis lorsqu’elles réalisent les trésors simples que la vie recèle, elles réalisent que le dévouement, la générosité poussés à l’extrême n’est pas la seule voie d’avenir pour elles comme pour l’autre : autrement tout le monde irait bien.

 

Posez vous, construisez, surprenez vous et vous verrez comme tout change !

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