Bonjour,
Je me présente et présente ma situation, je suis un homme de 32 ans. Je m’occupe de mes parents depuis un peu moins de 6 ans.
Cette situation a commencé après que ma mère ait fait un AVC en 2015, ça me semblait être temporaire, il y avait peu de séquelles.
Quelques mois plus tard, elle a refait un AVC, qui cette fois ci a laissé beaucoup plus de séquelles. Gros impact sur la mémoire à court terme. Pendant son séjour à l’hôpital elle a été diagnostiqué avec Alzheimer.
Mon père avait déjà la santé fragile, poumon et cœur, les AVCs de ma mère, nous ont montré qu’il souffrait lui aussi de troubles cognitifs. Quelques années plus tard, il a été diagnostiqué avec Parkinson.
J’ai un frère et une sœur, ma sœur habitait à coté et m’aidait, on s’était organisé, elle passait les matins pour me laisser dormir, et moi je m’occupais de mes parents le reste de la journée et la nuit. Elle a une famille et même si son aide était précieuse, ce n’était pas des plus facile pour elle.
Mon frère quant à lui habite à plusieurs centaines de kilomètres et vient pour ses congés (en moyenne 3 semaines par an), ce que j’apprécie dans la mesure ou ça me permet de prendre du temps pour moi, vu qu’il me remplace durant ces périodes.
Durant les 4 premières années, la santé de mes deux parents s’est dégradé lentement, j’étais impuissant face à ce spectacle qui se déroulait sous mes yeux, mais j’étais content de pouvoir les accompagner, leur évitant ainsi la maison de retraite ou l’hôpital. Il y a eu des hauts et des bas mais dans l’ensemble, je ne regrette rien et même si je ne me suis pas donné à 100 % , je pense leur avoir apporté ce que je pouvais pour prolonger leur bien être.
Mai 2020 mon père décède. Ma sœur est partie vivre de l’autre coté de la France. Et je me retrouve seul avec ma mère.
Seul n’est pas le bon mot, avant le départ de ma sœur, nous avons pris le temps de revoir le plan d’aide, maintenant des femmes de ménage/aidantes (association d’aide au maintien de la vie à domicile) passent tous les jours de 10h à Midi et des aides soignantes passent deux fois par jours, pour l’habillage et la toilette. Il y a aussi une journée d’accueil de jour (10h-16h) , une fois par semaine.
Le reste de la journée, je suis seul avec ma mère … et c’est compliqué, elle n’arrive pas à assimiler la mort de mon père et me demande constamment ou il est.
Je me retrouve à lui expliquer plusieurs fois par jour qu’il est mort. J’aimerais pouvoir lui mentir pour lui éviter le choc de cette annonce à répétition mais il lui arrive parfois de s’en rappeler toute seule, je ne veux pas l’embrouiller plus qu’elle ne l’est.
En plus de cela, elle ne reconnaît pas sa maison et me demande en continue quand est ce qu’elle rentrera chez elle et qui l’emmènera. Ce n’est pas récent, ce questionnement a plus de deux ans.
Ce problème de maison, soulève un autre problème, ne se croyant pas chez elle, et perdant très vite patience, elle s’en va. Je suis obligé d’avoir un œil constant sur elle si je ne veux pas qu’elle s’en aille je ne sais ou ( Elle a déjà réussi à fuguer et la retrouver n’était pas une partie de plaisir).
En gros se sont les 2 choses qui occupent son esprit et rien d’autre n’a d’importance, il n’est plus possible d’avoir de discussion, un de ses deux sujets reviennent quasiment immédiatement.
On rajoute, qu’elle ne nous reconnaît pas tout le temps et a tendance à devenir agressive dans ces moments. D’ailleurs l’agressivité est maintenant son unique réponse dés que la moindre frustration se présente.
L’absence de mon père complexifie les choses, quand il était là, ils s’occupaient entre eux, ils discutaient, avait leur petit train-train, même dans la maladie, ils étaient restés proches et fusionnels. Ce qui me permettait de rester un peu externe à la situation, d’avoir une certaine distance, qui, je m’en rends compte maintenant, m’était nécessaire.
Maintenant qu’il n’est plus là, je me retrouve être le centre d’attention de ma mère, je n’ai pas une minute à moi tant qu’elle est réveillée. Elle me suit partout et passe son temps à m’appeler dés que je ne suis pas dans son visuel … par exemple, je ne peux pas passer plus de 2 min aux toilettes. Pour la nuit c’est la même chose, elle m’appelle dés qu’elle se réveille et vient dans ma chambre si je ne réponds pas.
J’ai l’impression de chercher à me faire plaindre en écrivant ces lignes et je culpabilise un petit peu mais je crois ne plus être capable de continuer comme ça.
Je n’arrive pas à voir d’avenir, à avoir de plaisir, tout ce que je peux faire c’est combler le temps, et essayer de garder mon esprit occupé pour ne pas trop penser.
Je me suis isolé, j'ai une toute petite vie sociale (2 amis), pas de relations amoureuses envisageables, je dors mal car réveillé plusieurs fois par nuit, je regarde juste ma vie défiler et ma mère s’enfoncer.
J’ai peur d’être entrain de gâcher ma vie et je n’ai même plus la satisfaction/l’objectif de me dire que je prolonge le bien être de ma mère, elle ne pense qu’à partir et sa demande d’attention constante m’épuise, je n’arrive pas à être agréable tout le temps, je retiens l’énervement ou une potentielle agressivité mais je ne peux pas m’empêcher de parfois céder à l’agacement.
J’ai besoin de liberté, de fuir ce tunnel au fond sans lumière.
Il n’y a qu’une solution qui se présente à moi, maison de retraite, mais j’ai peur de le regretter et de culpabiliser.
Même si je crois qu’au final ce serait mieux pour tout le monde.
Pour ma mère, elle aurait plus de contacts sociaux qu’aujourd’hui, car ici elle voit peu de monde, des activités adaptées proposées et un personnel un minimum reposé.
Pour moi, l’opportunité de commencer à vivre, même si l’idée est effrayante car je ne sais plus ce que je peux/veux/dois faire maintenant.
Voilà, je sais pas trop ce que j’attends en venant raconter ma vie de la sorte ici (trouver une raison de déculpabiliser d'envisager la maison de retraite ?) mais au pire ça m’aura fait du bien d’écrire ces quelques mots.