Ella

Ella

20 septembre 2021 17:12

Comment faire respecter les droits de la personne protégée et de son tuteur à la personne face à des intervenants/interlocuteurs « dédaignant » l’article 457-1 du code civil ?  

Bonjour,

Je suis fils unique et tuteur à la personne de ma mère. J’ai bien compris que je n’avais pas de pouvoir décisionnel sur les aspects patrimoniaux et financiers de la majeure protégée. Mais je viens de prendre connaissance de l’article 457-1 du code civil que je reproduis ci-dessous pour ceux qui, comme moi, le découvriraient :

« La personne protégée reçoit de la personne chargée de sa protection, selon des modalités adaptées à son état et sans préjudice des informations que les tiers sont tenus de lui dispenser en vertu de la loi, toutes informations sur sa situation personnelle, les actes concernés, leur utilité, leur degré d'urgence, leurs effets et les conséquences d'un refus de sa part. »

J’en déduis, mais peut-être ai-je tort, que j’ai le droit et même l’obligation de maintenir informée, la majeure protégée sur l’avancée des choses et sur les décisions qui la concernent, de lui procurer une description adaptée (par mon discours à sa compréhension) de sa situation, et d’obtenir ses commentaires et souhaits éventuels.

Je n’ai pas eu besoin d’invoquer cet article pour tout ce qui touche à la santé et au bien-être de ma mère. Pour l’hébergement, grâce à une réponse très argumentée de Me Isern-Réal découverte sur ce forum, j’ai pu (presque) redevenir l’interlocuteur principal de l’Ehpad de ma mère. Mais, pour tout ce qui touche aux domaines patrimonial, juridique, financier, fiscal… mes interlocuteurs me refusent toute information quand je leur fais des demandes pour ma mère, en tant qu’intermédiaire, même si je rappelle l’article en question.

Je donne un exemple. Nous sommes en pleine succession de mon défunt père. Quand je lui demande conseil pour ma mère en lui rappellant cet article, le notaire de la succession m’oppose [les arguments diffèrent chaque fois que je reviens à la charge], qu’il a interrogé le CRIDON là-dessus et que je fais une mauvaise interprétation de l’article, que cet article concerne la curatelle, que ma mère (avec laquelle il n’a plus de contact depuis plus d’un an) n’est plus capable de comprendre, que je dois m’adresser, pour toute information, au tuteur aux biens, à l’avocat de ma mère et au juge des tutelles pour avoir des informations ou me faire communiquer les actes concernant ma mère. Il refuse donc toute communication ou demande de conseil destinée à ma mère, par mon intermédiaire. De leur côté, le tuteur aux biens et l’avocat ignorent mes demandes, et le Juge, quand il répond, met trois mois.

Je ne sais si le tuteur aux biens et l’avocat vont visiter ma mère, s’ils lui exposent ce qu’ils font, s’ils essaient de recueillir son consentement, s’ils lui font signer des documents... L’Ehpad ne veut pas m’informer de leurs visites si elles existent. Et j’ai appris dernièrement que tout le courrier de ma mère était automatiquement redirigé vers le tuteur aux biens, ce qui renforce ma mise à l’écart et celle de ma mère, de sa propre vie. Cette dernière, en effet, quand je l’interroge, me dit ne pas savoir qu’elle a un avocat, ne pas se souvenir si le tuteur ou l’avocat est venu la voir, ne pas se souvenir qu’on est encore en pleine succession de mon père...

Mes questions : dans le principe, pour que je puisse éclairer ma mère sur sa situation, le notaire a-t-il obligation de répondre à mes questions ? Et le tuteur aux biens ? Et l’avocat de ma mère ? Si oui, que faire ? Dois-je faire une requête au Juge pour lui demander une confirmation ou une ordonnance pour que ces professionnels communiquent avec moi quand je leur fais une demande pour ma mère ?…

Qu’en est-il du courrier que reçoit ma mère à l’Ehpad ? Celui-ci doit-il être délivré à la personne protégée qui ne peut plus en prendre connaissance sans aide, ou être transféré (comme actuellement) au tuteur aux biens, ou alors au tuteur à la personne ? …

Quant aux visites à l’Ehpad, le tuteur aux biens ou l’avocat doivent-ils m’informer à l’avance afin qu’éventuellement je sois présent et puisse faire l’intermédiaire entre eux et ma mère ?

Je suis un peu perdu, et m’interroge sur ce rôle d’intermédiaire, que prévoit et décrit l’article, que les interlocuteurs de ma mère n’ont pas l’air de connaître ou de... reconnaître.

Est-ce que j’interprète correctement mon rôle ? Y a-t-il des limites à mes demandes d’information ou à ce que peuvent me répondre mes interlocuteurs pour ma mère ?

Cette interrogation est devenue fondamentale au fil des mois. Quelqu’un pourrait-il m’éclairer ?

Ella

Réponses
1 message de membre 1 message d'expert
Laure Castel

Laure Castel

21 septembre 2021 9:53

Comment faire respecter les droits de la personne protégée et de son tuteur à la personne face à des intervenants/interlocuteurs « dédaignant » l’article 457-1 du code civil ?  

Bonjour Ella,

Merci pour votre message et bienvenue sur aidons les nôtres.

Devant l'étendu de votre question, notre spécialiste juridique a besoin d'un peu de temps pour vous répondre.

En vous souhaitant une bonne journée,

Marie-Hélène Isern-Réal Avocate 22 septembre 2021 15:21

Comment faire respecter les droits de la personne protégée et de son tuteur à la personne face à des intervenants/interlocuteurs « dédaignant » l’article 457-1 du code civil ?  

Bonjour Ella,
1/ A propos de l’article 457-1 du CC, vous avez entièrement raison. Toute la difficulté provient de ce que l’information doit être délivrée « selon des modalités adaptées à son état ». Il est trop facile de considérer que l’état de la personne ne lui permet pas de comprendre ce qui lui arrive, le mandataire se dispense ainsi de tout effort d’explication.
D’autant que le texte précise : « sans préjudice des informations que les tiers sont tenus de lui dispenser en vertu de la loi ». Pour le professionnel de la protection, ce tiers est le médecin. Dans notre système social où le domaine sanitaire envahit la vie quotidienne, le soin prend la place principale. La personne est désormais un malade, puisqu’il n’est protégé judiciairement qu’en raison de son état de santé. On oublie qu’il est d’abord une personne avec des sentiments, une histoire, des liens familiaux, sociaux et culturels.
Donc, le principe fondamental énoncé par la loi n’est pas mis en œuvre. Votre maman a la chance d’avoir un fils qui le respecte scrupuleusement.
Il y a une autre lacune. Il s’agit de la division de la mesure de protection et l’autonomie des mandataires conjoint ou adjoints, ou mandataire à la personne différent du mandataire aux biens, organisée par l’article 447du code civil : "Le curateur ou le tuteur est désigné par le juge. Celui-ci peut, en considération de la situation de la personne protégée, des aptitudes des intéressés et de la consistance du patrimoine à administrer, désigner plusieurs curateurs ou plusieurs tuteurs pour exercer en commun la mesure de protection. Chaque curateur ou tuteur est réputé, à l'égard des tiers, avoir reçu des autres le pouvoir de faire seul les actes pour lesquels un tuteur n'aurait besoin d'aucune autorisation.
Le juge peut diviser la mesure de protection entre un curateur ou un tuteur chargé de la protection de la personne et un curateur ou un tuteur chargé de la gestion patrimoniale. Il peut confier la gestion de certains biens à un curateur ou à un tuteur adjoint.
A moins que le juge en ait décidé autrement, les personnes désignées en application de l'alinéa précédent sont indépendantes et ne sont pas responsables l'une envers l'autre. Elles s'informent toutefois des décisions qu'elles prennent."
C’est pourquoi, il est nécessaire de combiner l’article 457-1 avec l’article 447 et faire savoir à vos interlocuteurs que, si chaque mandataire est indépendant de l’autre, ils doivent se tenir informés. Je répète, puisqu’il s’avère que vous avez lu mes articles, que le tuteur à la personne est l’ordonnateur des dépenses, il prend donc les décisions essentielles. Le juge tranche en cas de conflit.
Ainsi votre mission de tuteur à la personne est prépondérante et l’intendance doit suivre.
2/ Votre interrogation pour le courrier permet une réponse simple, mais difficile à mettre en œuvre : le courrier personnel vous revient, le courrier administratif et financier revient au tuteur. On ne peut pas demander à La Poste de faire le tri. Il me semble que logiquement vous devriez obtenir du juge que le courrier soit délivré à votre adresse, à charge pour vous de faire suivre le courrier administratif et financier au tuteur aux biens. Les tuteurs s’arrangent pour faire domicilier le courrier relatif aux paiements dont ils ont la charge à leur adresse personnelle, ce qui fluidifie les relations.
De toute façon le domicile de la personne en tutelle est au domicile de son tuteur. Mais lequel ? Le code civil ne le prévoit pas.
D’ailleurs, les personnes en tutelle reçoivent personnellement les courriers recommandés pour les convocations aux audiences et les notifications des décisions. Souvent le juge charge le tuteur de donner connaissance de la décision à la personne qui ne peut pas recevoir une lettre de notification.
3/ Mais votre question porte aussi sur le sujet de la succession et ma réponse va être différente, mais peut-être inexacte, car je ne connais pas toutes les données de votre situation. Concernant la succession de votre père, je présuppose que vous être aussi son héritier sur sa part. Dans ce cas, vous êtes en conflit d’intérêts avec votre mère. Il est normal que vous ne la représentiez pas dans la procédure de partage, même amiable puisque vous en faites partie. Le code civil règlemente les pouvoirs du tuteur et prévoit l’intervention du juge pour les partages.
Ceci étant, en votre qualité d’héritier de votre père vous avez obligatoirement accès au dossier et vous en connaissez donc la teneur mais à titre personnel. Rien ne vous empêche d’informer votre maman sur son contenu que vous aurez appris pour votre propre compte, votre mère ayant à signer les mêmes actes que vous, sous autorisation du juge.
Donc, pour la succession de votre père, c’est à titre personnel que vous pouvez avoir des informations et accès à son avocat par l’intermédiaire du vôtre. Vous n’avez pas à assister aux visites, qui pour les professionnels sont des rendez-vous de travail soumis au secret professionnel. Seule votre mère pourrait vous informer, mais visiblement, elle n’a plus conscience des enjeux, ni la mémoire des visites qu’elle reçoit.
Vous faire représenter par un avocat dans la succession de votre père vous permettra d’être mieux informé, car il s’agit d’une autre réglementation que celle de la gestion tutélaire.
Peut-être pourriez-vous faire régler la difficulté par le juge en lui adressant une requête demandant à vous faire nommer tuteur à la personne et aux biens, c’est à dire assurer la gestion de ses revenus et charges et faire nommer le mandataire professionnel comme tuteur ad hoc, pour le règlement de la succession de votre père et la gestion des avoirs patrimoniaux de votre mère. Cette répartition des pouvoirs, qui n’est pas habituelle, correspondrait à vos préoccupations. Encore faut-il en convaincre le juge, ce qui ne sera pas facile.

julien74

julien74

25 septembre 2021 18:49

Comment faire respecter les droits de la personne protégée et de son tuteur à la personne face à des intervenants/interlocuteurs « dédaignant » l’article 457-1 du code civil ?  

Bonjour,

Ce message pour dire que les questions initiales ont retenu toute mon attention et que les réponses données sont bien claires et très utiles pour les aidants concernés, je pense. Merci.

 

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