Bonjour à tous,
J'espère que tous les intervenants vont au mieux, les fêtes de fin d'année approchent et ne sont pas toujours source de joie, aussi mes pensées vont à ceux qui appréhendent cette période.
Par cette nouvelle intervention, je souhaiterais reprendre quelques points abordés dans les messages précédents. En effet, quelle joie d'avoir des nouvelles rassurantes des personnes ayant initié et participé à cette discussion.
Michèle, Cathy et tant d'autres qui ressentent ce manque suite au décès de leur proche, ce vide et cette perte de sens que le deuil entraîne, avec en plus dans de nombreux cas un épuisement physique et psychique bien compréhensible, et de fait la vie semble s'être figée, cela a été mon cas également. Personnellement, en ayant eu à surmonter sept décès de proches depuis 2014, (accident, maladie) dont deux en tant qu'aidant ou accompagnant de fin de vie, je dirais que le minimum vital est un retour à l'essentiel, c'est la meilleure solution pour arriver à survivre et se réaménager une vie satisfaisante sur tous les plans.
Je me suis raccroché à ce que je connaissais, mis aussi de l'ordre dans les relations aux autres, ce qui est fréquent en telle situation du fait que l'on s'aperçoit vite sur quelles personnes on peut véritablement compter, qui ne juge pas et vous soutiennent (ce sont nos alliés). De plus le deuil modifie la vision des choses et notre humeur ou notre comportement peut dérouter, voire éloigner des personnes.
Conscient de l'impuissance face à cela, j'ai relativisé en cherchant le coté positif de ma situation et de celle des autres, car en matière de vécu du deuil il n'y a pas de règle, de "petit manuel de l'endeuillé". Personnellement je n'ai pas - et je l'ai constaté aussi dans mes contacts auprès d'endeuillés - passé par tous les stades définis dans la théorie du deuil, chacun vit son deuil comme il le peut avec les moyens dont il dispose et qu'il peut mobiliser pour y faire face. L'écriture dans ce domaine m'a été d'une grande aide, en me permettant d'exprimer ce que je ressentais sans avoir un regard extérieur.
Dans tout deuil, soit on se laisse aller, soit on se bat. Il faut tenter de réagir, de s'occuper de soi en priorité, et notamment lorsqu'on a été aidant, cela est d'une importance vitale. En effet, en tant qu'aidant on a beaucoup donné, des liens profonds se sont tissés, nous avons parfois renoncé à une vie qui aurait été bien différente, mais on ne maîtrise pas grand chose tout compte fait et les regrets, les "si" ne font qu'accroître la douleur et le chagrin. Ils voilent nos meilleurs souvenirs et nous empêchent de croire en un avenir possible sans la personne dont on s'est occupé parfois de très longues années.
Certes, reprendre confiance en soi, avoir une estime de soi ou la retrouver n'est pas chose aisée mais s'être occupée d'une personne souffrante ou simplement vieillissante, l'avoir accompagnée un bout de chemin même chaotique dans tous les moments qui jalonnent l'existence, est humainement enrichissant et beau. Notre expérience est une richesse d'humanité, et bien que parfois vécue difficilement par obligation, mais aussi bien souvent par amour, elle peut (et doit) nous être source de joie et d'espérance pour repartir en confiance.
Le regards des autres conditionne souvent nos comportements, et nous essayons comme dans un miroir de nous y refléter pour exister, mais ce n'est que mirage, car la plupart des rapports humains sont superficiels et bien pauvre humainement. Aussi, la perte de confiance qu'évoque Michèle et parfois la trahison de la part de personnes justement en qui on croyait trouver un soutien, fait malheureusement partie de cet ensemble qui peut atteindre notre être et nous décourager, nous démoraliser (mais cette discussion prouve le contraire 😉).
Du reste, ce que d'autres pensent est-il toujours vraiment pertinent et utile? Revenir à l'essentiel, penser à soi n'est nullement de l'égoïsme qui est souvent confondu avec l'égocentrisme, faire preuve de générosité envers soi-même, s'aimer permet une ouverture différente au monde qui nous entoure, et bien souvent d'être un bon aidant (les animaux de compagnie sont de bons aidants).
Comme le dit Cathy, nous avons l'impression que le monde continue sa vie autour de nous et que l'on reste sur le quai. C'est en partie vrai, car un décès fige la situation pour un temps plus ou moins long, de plus le temps social n'est pas celui du deuil. A cela Michèle répond "Moi je crois maintenant que l'on est encore dans le bateau, peut-être à la salle des machines à tenter de tout remettre en ordre pour revenir profiter du pont quand cela ira mieux ? Auquel je me permet d'ajouter qu'une fois sur le pont sur un transat au soleil, petit à petit les meilleurs souvenirs remonteront en surface, et l'on pourra retrouver le sourire!
Enfin, pour avoir abordé le sujet du deuil (et la prévention du suicide) avec mon médecin traitant, ce dernier m'a exprimé le manque de sensibilisation (et donc leur méconnaissance du processus de deuil) à ces sujets dans leur cursus de formation (mais cela tend à s'améliorer). Ce qui explique leur embarras et leur empressement à soulager les manifestations du deuil par des neuroleptiques au risque de bloquer ou différer son processus, sauf bien-sûr si la situation est justifiée médicalement.
Voilà, j'espère malgré tout une bonne fin d'année à tous.
Bien cordialement
Philippe