Math.34

Math.34

29 mars 2023 21:14

Deuil  

Bonjour à tous,

Je ne sais pas vraiment ce que je cherche en postant ici, sûrement un partage d'expérience et l'espoir peut être de trouver la compréhension de personnes ayant vécu le même genre de situation... 

Pour la faire rapide, je me suis occupée de mon grand père atteint de la maladie d'azheimer de mes 16 à mes 23 ans. J'en ai aujourd'hui 28 et mon grand-père est décédé en août dernier. 

J'ai donc en quelque sorte grandi avec cette position tellement enrichissante et très lourde à la fois, faite de culpabilité de ne pas réussir à tout gérer, fierté de faire de mon mieux malgré tout et heureuse de construire une relation si forte et fusionnelle malgré la maladie.

Aujourd'hui, mon grand-père n'est plus là et malgré le fait je me sois détachée de mon rôle d'aidante à partir de mes 23 ans (jai commencé à travailler dans une autre ville et d'autres personnes ont pris ce rôle : infirmières, docteur, as et personne de la famille), ce rôle me collait toujours un peu à la peau. De mes 23 ans à août dernier, même si je n'étais plus aidante, j'y pensais tout le temps, aller le voir régulièrement etc. 

Aujourd'hui, et après quelques mois à être dans une sorte de bulle, je ne peux que faire le constat que je ne vais pas bien. Je suis épuisée, vidée et je ressens un mélange d'émotions particulières sûrement liées aux différentes étapes du deuil. 

Parmis elles, le sentiment de ne pas être comprise, ce qui créait sûrement un peu de la colère. Dans le regard des gens, j'ai l'impression que perdre un grand-père est quelque chose de normal et que je ne devrais pas être autant dévastée, que ça fait partie du "cycle de la vie". Mais j'ai l'impression que le rôle que j'ai eu, le rôle qu'il a joué pour moi également (avec ma grand-mère décédée à mes 14 ans, ils se sont énormément occupés de moi), font que ce deuil n'a rien de "facile" ou de "normal". 

Je prends du temps pour moi, j'essaie d'extérioriser, j'en ai parlé chez le psychologue, je fais de la méditation etc... mais voilà je crois que j'ai surtout besoin d'en parler avec des gens qui peuvent comprendre... et pourquoi pas prendre vos conseils si vous en avez. 

Merci beaucoup en tout cas de prendre le temps de me lire,

Bonne fin de soirée à tous. 

 

 

 

Réponses
6 messages de membres 2 messages d'experts
Isabelle Charret Médecin gériatre 30 mars 2023 13:27

Deuil  

Bonjour Math.34,

 

Beaucoup d’aidants qui ont dédié un long temps de leur existence à un proche ont beaucoup de mal à se reconstruire après la disparition de la personne aidée. Soit !

Mais ce qui rend votre témoignage unique et très touchant est l’âge auquel vous avez vécu la relation d’aide et votre âge actuel où cette reconstruction est difficile : dans les deux périodes aidance et post aidance vous êtes en pleine JEUNESSE :

ce n’est pas dans l’ordre des choses et les conséquences sont exactement ce que vous expérimentez même si cette période vous a apporté beaucoup.

 

Vous faites partie des jeunes aidants : ils sont 500 000 en France ! Pourquoi le présent ? Parce-que tous les témoignages concordent : on ne se défait pas du jour au lendemain de cette relation aidant/aidé. Elle perdure dans un coin du cœur, du psychisme et dans votre cas, elle s’est matérialisée à un âge où l’on se construit avec une ouverture de choix divers et de liberté. Même si vous avez aidé avec joie et amour, ces deux aspects ont été affectés n’est-ce pas, par rapport aux jeunes de votre âge ? Elle est devenue constitutive de votre histoire, influence votre posture actuelle dans le « monde » (société, famille etc) et influe sur vos attentes.

 

Votre témoignage est très mature et criant de vérité. Vous avez, à votre insu, participé à une éthique de solidarité vis à vis du plus faible qu’on appelle la sollicitude. Bravo ! Mais comment ne pas être décalée alors que l’individualisme prévaut d’une façon non négligeable. De plus, vous avez du apprendre un savoir-faire que beaucoup n’ont pas. Quel constat désagréable et isolant !

 

Vous avez adopté une identité d’aidante et il est temps de devenir vous-mêmes en dehors de tout rôle, de vous découvrir. Cette construction englobera votre expérience si forte, mais pas que…Il y aura de la place pour vous seule : de la place pour ce que vous êtes et non pas pour ce que vous faites ou paraissez aux yeux des autres. Je suis ainsi, j’aime ou je n’aime pas cela, je me dirige vers là etc Et encore plus parce que vous avez été en retour aimée si doucement de vos grands parents, vous devrez devenir une « grande petite fille », puis une « grande fille » : il y a un saut de génération dans la logique de l’aide à ses parents .

 

Vous décrivez vos frustrations (légitimes) dans la façon dont les autres trouvent anormal votre expérience et votre attachement. Comment peuvent ils comprendre ce rôle qu’ils n’envisagent pas un seul instant surtout s’ils ne voient pas un autre aspect de vous-même ?

Votre « je ne vais pas bien » semble bien s’apparenter à une naissance à vous-même, toujours et pour tous, baignée de malaise.

 

Le soutien psychologique est indispensable. Il serait intéressant d’opter pour les techniques d’analyse transactionnelle dans lesquelles le travail sur les rôles endossés et les scenarios rejoués est capital ( Eric Berne : analyse transactionnelle ; nombreux ouvrages)

La méditation ne vous fera que du bien quand au recul et la sérénité offerts.

 

Oui, vous allez devoir endosser de jolis habits nouveaux mais colorés de votre belle expérience humaine. Le seul point difficilement modifiable est la maturité acquise qui isole : la différence fait toujours peur !

Avez vous pensé à intervenir dans des associations de jeunes aidants ?

 

Bravo et en soutien sincère,

Philippe_38230

Philippe_38230

31 mars 2023 12:05

Deuil  

Bonjour Math.34,

Votre histoire n'est pas banale et très touchante, ce que vous décrivez est lié à votre deuil, et dans vos propos il me semble entendre que vous exprimez une sorte de nostalgie de votre position d'aidante, tout en délicatesse d'avoir été auprès de vos grands-parents, mais aussi de cette sensation d'amertume d'être incompris par l'entourage (je l'ai vécu également) d'où une certaine colère légitime qui sourde en vous. Etre aidant n'est déjà pas toujours facile ni gratifiant, de plus vous l'avez été durant une période à laquelle ce rôle ne cadre pas avec la norme sociale, le regard et les paroles des autres peuvent blesser, incompréhension certes mais aussi une époque ou le chacun pour soi est la règle.

La peine est là quelque soit l'âge, et je vous comprends du fait que dans la pensée commune le décès d'une personne âgée est normal, entre dans la logique des choses. Cependant, le deuil d'un proche et le chagrin qui en découle n'a rien à voir avec la longévité, seul les liens d'attachement tissés au fil du temps, la complicité parfois et l'amour aussi sont importants et conditionnent les réactions de l'endeuillé.

Math.34, la perte d'un proche aimé laisse une béance en soi, une blessure d'amour, cette blessure il faut du temps pour tenter de la soigner au mieux, par les souvenirs des moments de vie et de ce que vous avez été pour vos grands parents , votre présence auprès d'eux est humainement admirable, aussi soyez fière de ce que vous avez accompli, de l'expérience acquise.

Vous parlez de culpabilité de n'avoir pas réussi à tout gérer, hélas c'est le cas de tous les aidants, essayer d'avoir aussi de la bienveillance et de la gratitude envers vous, il nous faut savoir nous pardonner d'être si impuissant. Mais vous dites aussi votre fierté d'avoir fait de votre mieux malgré tout et d'être heureuse d'avoir construit une relation forte et fusionnelle malgré la maladie, c'est cela qui doit vous aider à l'avenir.

Prendre du temps pour soi est primordial, pouvoir échanger avec d'autres qui ont vécu des situations similaires est aussi une bonne façon d'extérioriser ce qui empoisonne, à cet effet plusieurs discussions sur ce forum sont en relation avec le deuil ou la dépression de l'aidant, on y trouve des échanges d'une grande richesse humaine sur le sujet avec d'autres aidants ayant vécus des situations par certains cotés analogues à la vôtre, c'est pourquoi je me permet de vous conseiller de vous y reporter, cela ne peut que vous faire du bien.

Voir Marie Luce 12 février 2023 "Dépression de l'aidant"

En vous souhaitant le meilleur

Cordialement
Philippe

Maghnia Meddahi

4 avril 2024 15:13

Deuil  

Bonjour,
Voici plus d’un an que j’ai perdu ma sœur et il y ’a moins de six mois, j’ai perdu ma mère. Je vis une grande souffrance quotidienne et permanente par la présence de ma mère et ma sœur comme si elles sont debout à côté de moi, il n’ y a pas un soir où je ne pleure pas mais cela n’apprise pas la douleur. Je ne ne sais ce que je dois faire pour que cela cesse. Merci

Laure Castel

Laure Castel

5 avril 2024 9:51

Deuil  

Bonjour Maghnia

Seul le temps apaise la douleur.

Cependant vous pouvez trouver des conseils auprès de spécialistes.

Renseignez-vous auprès de la mairie de votre domicile pour connaître les associations, les professionnels qui peuvent vous accompagner.

Vous pouvez également contacter l’action sociale de votre caisse de retraite complémentaire pour connaître leurs domaines d’intervention. Certaines proposent des entretiens avec un psychologue, des réunions ou des ateliers sur le thème du deuil.

En vous souhaitant bon courage,

Philippe_38230

Philippe_38230

5 avril 2024 13:39

Deuil  

Bonjour Maghnia,

La souffrance que vous ressentez est malheureusement ce que nombre d'endeuillés décrivent, j'ai personnellement vécu ces souffrances dues au manque, à la solitude lors de la perte de plusieurs proches, à cette présence invisible et troublante. Le deuil, chacun le vit selon ses possibilités, avec les souvenirs du vécu en commun auprès de ceux qui ont fait partie de notre vie.

Maghnia, vous ne précisez pas si vous avez été "proche aidant" de votre sœur et/ou votre maman, cela a son importance, si c'est le cas le deuil a surmonter sera double, celui du proche et celui du rôle d'aidant. Si c'est votre cas vous pouvez aller sur le site "Avec Nos Proches", des ateliers sont disponibles, et à parcourir la pages https://www.avecnosproches.com/etre-aidant-et-apres/

Comme Laure Castel dans sa réponse, le temps fait son œuvre certes, mais lorsque le quotidien n'est que chagrin, il ne faut pas hésiter à demander un soutien, toute aide authentique et sincère est la bienvenue.

Sur ce sujet du deuil, vous pouvez aussi consulter des discussions où j'ai participé avec d'autres, les développements et conseils sont très pertinents:

https://www.aidonslesnotres.fr/aidants/discussions/depression-de-laidant/

https://www.aidonslesnotres.fr/aidants/discussions/depression-de-laidant-apres-le-deces/

Je souhaite sincèrement que cela répondra à votre demande de soutien, et que peut-être d'échanger avec d'autres vous permettra d'apaiser votre souffrance dans un cadre bienveillant.

En vous souhaitant le meilleur

Bien cordialement
Philippe

Octavie Lai

26 avril 2024 22:43

Deuil  

Bonjour, je ne sais pas si la personne qui a crée se forum me lira un jour, ou même quelqu'un en générale, mon expérience est certainement très différent de la votre.  Je ne parle donc pas d'être humains mais bien d'un animal, enfin d'animaux.. 

J'aimerais beaucoup que ce ne soit pas aussi ridicule mais j'ai perdu deux poules.. une il y a un moment, j'avais réussis à faire son deuil mais la deuxième est morte aujourd'hui et cela m'a rappelée que je n'avais pas du tout fait mon deuil. Ni pour l'une, ni pour l'autre. Je pense avoir pleuré toute les larmes de mon corp. Elles sont mortes de maladies, malheureusement mes parents ne voulaient pas chercher de vétérinaires spécialisées car ces maladies sont certainement incurables.

Je leur est écris un texte si long ou je raconte le "à quelle point je les aimais". Je cite "des sœurs pour moi." Ne me demandez comment l'on peut arriver à s'attacher autant que je l'ai fait à deux simples poules en deux ans. Elles étaient trop jeune pour mourir, elle n'avait que 3-4 ans.. 

En venant ici, je cherchais à m'exprimer ou à me prouver quelque chose.. Si vous avez lu jusqu'au bout MERCI. 

Philippe_38230

Philippe_38230

27 avril 2024 19:44

Deuil  

Bonjour Octavie,

En ce qui me concerne, le chagrin et la souffrance que vous ressentez n'est ni ridicule, ni déplacé sur ce forum, j'ai personnellement vécu des deuils semblables, et ce que les autres pouvait penser m'importait peu. On ne compare pas les deuils de personnes et d'animaux dits de compagnie, ils sont différents et respectables au titre du lien d'amour qui s'était créé au fil du temps, une belle page d'histoire d'un amour inconditionnel, d'une fidélité entre vous et vos poules, et cela vous appartient.

Octavie, ce que vous vivez pour "vos sœurs" est un deuil à part entière, avec les mêmes caractéristiques et les émotions rencontrées dans tout deuil, les pleurer, leur écrire, en parler fait partie des petits rites qui vous conduise sur le chemin de l'apaisement, c'est ce qui vous fait du bien.

Evoquer la perte d'un animal de compagnie, en l'occurrence des poules, peut paraitre à nombres de personnes sans importance, voire insignifiant. Et pourtant, pour vous elles étaient importantes, vous apportaient de l'affection, de la compagnie, une présence qui vous faisait du bien et faisaient ainsi partie de la famille. Le manque et l'absence que vous ressentez, vos larmes sont à la mesure de votre attachement, vous faite preuve de compassion, d'une grande sensibilité et de respect de la vie.

Octavie, vous dites "je cherchais à m'exprimer", vous l'avez fait et c'est courageux, vous avez pris le risque d'être incomprise à parler de votre souffrance, et vous voyez que vous n'êtes pas seule à avoir vécu cette situation.

J'espère que ce message vous auras rassuré et vous aideras dans votre deuil.

Bien cordialement
Philippe

Philippe_38230

Philippe_38230

28 avril 2024 8:24

Deuil  

Bonjour Octavie,

Juste un complément à mon message précédent. Bien qu'Aidons les nôtres soit un site à destination des personnes qui souhaitent partager des informations autour du sujet de la dépendance et aussi sur le deuil des aidants, donc d'êtres humains, j'ai simplement entendu votre souffrance. Pour de nombreuses personnes, un animal de compagnie est un bon aidant, il les aide à vivre et parfois il est le seul lien qui leur reste.

Voici des sites qui peuvent vous aider dans votre deuil :

https://www.amvq.quebec/fr/deuil-animal-1
https://www.zoomalia.com/blog/article/vivre-deuil-animal-6-conseils.html

Bien cordialement
Philippe

Isabelle Charret Médecin gériatre 28 avril 2024 9:10

Deuil  

Bonjour Octavie,

Vous avez lancé ce sujet qui a été accueilli avec bienveillance. Mais ce sujet a incité des réponses riches et soutenantes.

Ce qui interpelle, ce n'est pas que la perte d'un animal de compagnie, quel qu'il, soit suscite un manque, donne du chagrin, mais c'est que insériez cet évènement marquant dans un forum sur le deuil "humain". Comme si le vivant n'était pas un tout !

La  compagnie donc le compagnonnage avec un compagnon ou compagne vient du mot "partager le pain". Alors proches ou dans l'environnement, ces êtres vivants appartiennent au paysage vu et ressenti au coeur . C'est ce que vous voulez dire n'est-ce pas?

Il n'est pas certain que le processus de deuil se déploie dans les mêmes sphères que la perte "humaine": durée du temps de partage, expériences partagées dans des activités communes, histoire de filiation de même espèce, interprétations anthropomorphiques ( c'est à dire prêter à l'animal des attributs humains) etc Mais lorsqu'on mesure l'importance de la présence d'un animal auprès d'une personne en difficulté et les conséquences positives et thérapeutiques de cette présence , on ne peut que considérer la question sous un angle favorable.

En parallèle, il ne faudrait néanmoins pas minimiser les maltraitances animales par des personnes souffrant de troubles cognitifs, psychiatriques empêchant de s'en occuper correctement ( sorties, alimentation, agressivité avec animal bouc émissaire).

C'est vraiment intéressant. Ne dit on pas que le lien avec l'animal développe notre humanité?

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