Moyocoya

Moyocoya

11 novembre 2024 9:04

Pressions familiales  

Bonjour,

Ma femme a été diagnostiquée Alzheimer il y a deux ans et demi, à l'âge de 58 ans. Elle est en invalidité 2, ne travaille plus, et je suis le seul aidant, la famille des deux côtés habitant trop loin pour pouvoir être présente.

Les capacités cognitives de ma femme se sont dégradées très rapidement. Quand je regarde les différentes classifications des stades d'Alzheimer sur le net, je dirais qu'elle doit être quelque part autour de 60% de son évolution. En tout cas elle n'est plus autonome et demande une attention constante.

Je suis psychologue de formation et, même si je n'ai jamais exercé, j'ai une certaine culture sur le sujet qui m'a permis d'accepter immédiatement la situation et d'agir en conséquence. Depuis le départ, j'ai fait le choix suivant : tout faire pour éviter de la ramener à sa maladie, que ce soit par la parole ou par les actes, et préserver le plus possible un environnement normal. Je cherche tout simplement à ce que ma femme soit la plus heureuse possible. 

D'un point de vue médical, et en accord avec ma femme, nous avons décidé de ne pas chercher absolument à lui faire subir des traitements médicaux, des accompagnements psychologiques, ou des programmes de recherche. Je l'ai soutenue dans cette volonté car chaque contact avec des spécialistes de cette maladie était toujours dévastateur pour elle et je ne voyais par l'intérêt de nous acharner alors qu'on sait que l'évolution est de toute façon inévitable. Les seuls soins qu'elle reçoit donc pour l'instant sont deux séances d'orthophonie par semaine.

Je tiens régulièrement nos familles respectives au courant de son évolution. Jusqu'à présent, rien de particulier de ce côté-là, mais dernièrement sa sœur a répondu à un de mes mails sur le thème " tu ne crois pas qu'il serait temps qu'elle participe à des activités dédiées ou passe du temps dans un établissement spécialisé ?" Ce n'était pas la première fois qu'elle venait sur ce terrain, et je lui avais déjà répondu, mais là j'ai senti une certaine insistance. Il y a toujours eu chez ma belle-soeur et ma belle-mère un parfum de "faut tout essayer, tout le temps et jusqu'au bout" qui va à l'encontre de ce que ma femme et moi avons décidé. Un peu les conseilleurs ne sont pas les payeurs si je peux me permettre, car ils n'ont aucune idée de ce qui se passe au quotidien.

Bien sûr, je n'avais pas attendu ma belle-soeur pour proposer à ma femme de diversifier un peu ses activités et de ne pas se contenter de deux séances d'orthophonie par semaine. Mais elle a toujours refusé. Je crois qu'il y a une forme de déni pour partie, certes, mais aussi tout simplement le fait qu'elle est bien chez elle, bien avec son mari, et qu'elle n'en demande pas plus. Elle se sent protégée et ne veut pas s'exposer. Par ailleurs, tous les professionnels que j'ai questionnés à ce sujet m'ont toujours dit : ce qui est bien pour elle, c'est ce qu'elle souhaite. Et comme ça correspond à ce que je pense, je n'ai pas changé de stratégie.

Ce qui m'ennuie et la raison de ce post, c'est que je sens monter une petite musique du genre "fait-il ce qu'il faut ?". Bon... D'une part je suis assez solide et j'ai suffisamment confiance en moi pour résister à ce genre de pression, d'autre part étant le seul et unique aidant au milieu d'une famille où personne ne peut rien faire, je me sens évidemment assez à l'aise pour répondre.

Pour autant, la confiance en soi doit s'appuyer sur la capacité à se remettre en cause... Ainsi, en dehors du circuit habituel généralistes / orthophonistes / neurologues, qui ont l'air de penser que je suis sur la bonne voie, un commentaire de professionnels sur le sujet serait le bienvenu pour alimenter ma réflexion, à la fois sur ma posture avec ma femme, mais aussi sur mes relations avec sa famille.

Merci par avance pour le temps que vous consacrerez à le lecture de ce post et éventuellement à y répondre.

Réponses
1 message de membre 2 messages d'experts
Guillaume Besse Médecin généraliste 11 novembre 2024 12:04

Pressions familiales  

Bonjour Monsieur,

Concernant votre prise en charge personnelle et en se basant sur ce que vous écrivez, on observe une démarche ancrée dans une bienveillance tenant compte des choix de votre épouse mais n’omettant pas son droit à être soigné de manière attentive ( éclairage régulier de l’orthophoniste, du circuit habituel des autres aidants professionnels) et consciencieuse.

Concernant les relations avec sa famille, l’éloignement et les liens la liant affectivement à votre épouse contribuent à sa souffrance d’une part de la savoir malade et, d’autre part, d’espérer, et c’est bien légitime, que la prise en charge de la maladie est bien adaptée. Je pense que votre formation vous aide considérablement à percevoir et comprendre cette souffrance. Si ce n’est déjà fait, peut-être pourriez-vous d’abord l’expliciter à sa famille afin qu’elle se sente comprise puis lui faire part des divers éclairages rassurants des professionnels de santé dont vous disposez ? Peut-être pourriez-vous également discuter avec elle des possibles répercussions sur l’humeur de votre épouse ( risque de syndrome dépressif, fréquent dans la maladie d’Alzheimer, pouvant majorer les troubles cognitifs) s’il lui était proposée une activité qu’elle a refusée?

Voilà quelques éléments non exhaustifs de tentatives de réponse mais je vous invite à ne pas hésiter à rester en contact sur ces sujets avec le médecin traitant de votre femme.

J’espère vous avoir répondu.

Moyocoya

Moyocoya

11 novembre 2024 12:34

Pressions familiales  

Bonjour,

Merci pour votre réponse.

Je tiens régulièrement informée la famille de ma femme des évolutions de sa maladie autant que je leur fait part des avis de ceux qui la suivent. Je pense qu'ils en savent pratiquement autant que moi, même si vivre la situation au quotidien ne donne pas la même perception des choses que quand on en est éloigné.

Par ailleurs, je comprends bien évidemment leur souffrance et leur inquiétude. Elle est tout-à-fait légitime et en aucun cas je ne la conteste ni ne l'ignore. Néanmoins je trouve extrêmement délicat de convaincre la famille de ma femme que faire feu de tout bois, tout le temps, "il faut tout faire pour..." en matière d'accompagnement et de soin n'a pas vraiment d'utilité, voire peut-être contre-productif quand la personne s'y refuse. Je pense cependant ou plutôt j'espère que nos derniers échanges leur ont permis de comprendre ce point.

J'ai également essayé d'éclairer un peu mieux un sujet : ce n'est pas parce que ma femme a de sérieux problèmes cognitifs qu'elle ne peut pas juger de son propre état et qu'elle ne sait pas ce qu'elle souhaite. Je pense que sa famille, n'ayant pas d'expérience de cette maladie, commence un peu tôt à douter de son libre-arbitre ou de sa lucidité. J'ai essayé de leur faire comprendre qu'on n'en est pas là et qu'elle est parfaitement en état d'avoir un avis sensé sur ce qui est bien pour elle ou pas. Je leur ai d'ailleurs suggéré d'essayer eux-mêmes de lui en parler, mais finalement il n'ont pas donné suite...

Ceci étant dit je ne cache pas que je sens venir d'éventuelles tensions à gérer, ce qui est bien normal, entre moi qui vit cette situation au quotidien, et sa famille qui ne nous voit que de loin en loin même si je les informe...

Y a-t-il aujourd'hui quoi que ce soit d'autre que je puisse faire ?

Marie-Hélène Isern-Réal Avocate 14 novembre 2024 18:46

Pressions familiales  

Bonjour Moyocoya,

Sur le plan juridique, il n'y a rien d'autre que vous puissiez faire. Le consentement, ou l'adhésion de la personne doit être recherché dans tous les cas.

D'autre part, comme vous le savez, le soin revient au thérapeute et non au mari que vous êtes. S'il n'est pas prescrit, vous êtes garanti vis-à-vis de votre belle-famille.

Je vous recommande, pendant qu'il en est temps encore, de prévoir un mandat de protection future que vous accompagnerez d'une désignation de personne de confiance détenant les directives anticipées. Vous protègerez votre épouse de toute velléité de prise de pouvoir de sa famille.

Je vous propose de prendre contact avec un avocat sur le site : www.avocat.fr qui en assurera la publication.

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