Bonjour oynap
A propos de l’entrée en EHPAD d’une personne sous tutelle, vous évoquez des abus de pouvoir d’un mandataire professionnel aussi bien au cours de la période de sauvegarde qu’après avoir été nommé tuteur aux biens.
Le code civil ne précise pas qui doit assurer la constitution des dossiers administratifs comme le contrat d’hébergement et surtout son annexe qui porte sur les soins et l’organisation de la vie quotidienne.
Il faut aller chercher dans le code de la santé publique et dans le code de l’action sociale et des familles pour avoir une réponse, devenue très claire depuis une ordonnance du 11 mars 2020.
Concrètement :
- au cours de la période de sauvegarde, le mandataire qui a appréhendé les comptes pour payer les charges a le pouvoir de valider le contrat d’hébergement, au moins pour garantir le paiement en contrepartie puisqu’il a la main sur les comptes. Mais le directeur doit s’assurer que la personne est consentante, ce qui, évidemment, est illusoire puisque la plupart du temps, elle n’a pas le choix.
En revanche, le mandataire spécial ne peut rien décider concernant les sorties ou le contrat obsèques car il n’en a pas légalement le pouvoir.
- Ensuite, sous tutelle, selon l’ordonnance du 11 mars 2020, qui a modifié les articles L1111-2, L111-4, L1111-7, L1111-11, etc. du code de la santé publique, le tuteur aux biens n’a aucun pouvoir concernant les soins de la personne en tutelle.
Il en est de même dans le code de l’action sociale et de familles, qui a été aussi modifié par l’ordonnance du 11 mars 2020.
D’une manière générale, il faut deux conditions : que le tuteur soit expressément nommé tuteur à la personne, ET que la personne soit déclarée inapte à exprimer sa volonté. Ainsi le tuteur sans autre précision, ou le tuteur aux biens ne peuvent intervenir pour l’hébergement.
Par exemple : l’article L232-22 CASF prévoit : « Lorsque le bénéficiaire de l'allocation personnalisée d'autonomie est hébergé dans un établissement de santé pour recevoir des soins de courte durée, de suite ou de réadaptation, le président du conseil départemental en est informé par le bénéficiaire, le cas échéant la personne chargée d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne, ou l'équipe médico-sociale mentionnée à l'article L. 232-3. En fonction de la nouvelle situation de l'intéressé, le président du conseil départemental peut réduire le montant de l'allocation personnalisée d'autonomie ou en suspendre le versement dans des conditions fixées par voie réglementaire. »
Ainsi, s’agissant d’une mesure administrative et financière, comme la réduction de l’APA, le code de l’action sociale et des familles prévoit que la démarche relève exclusivement du tuteur à la personne ou de l’équipe médico-sociale.
La référence principale se trouve dans l’article L311-3 CASF qui concerne les droits des usagers des services sociaux et médico-sociaux : « L'exercice des droits et libertés individuels est garanti à toute personne prise en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, lui sont assurés :
1° Le respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité, de sa sécurité et de son droit à aller et venir librement ;
2° Sous réserve des pouvoirs reconnus à l'autorité judiciaire et des nécessités liées à la protection des mineurs en danger et des majeurs protégés, le libre choix entre les prestations adaptées qui lui sont offertes soit dans le cadre d'un service à son domicile, soit dans le cadre d'une admission au sein d'un établissement spécialisé ;
3° Une prise en charge et un accompagnement individualisé de qualité favorisant son développement, son autonomie et son insertion, adaptés à son âge et à ses besoins, respectant son consentement éclairé qui doit systématiquement être recherché lorsque la personne est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. A défaut, le consentement de son représentant légal s'il s'agit d'un mineur ou, s'il s'agit d'un majeur faisant l'objet d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne, de la personne chargée de cette mesure, qui tient compte de l'avis de la personne protégée, doit être recherché ;
4° La confidentialité des informations la concernant ;
5° L'accès à toute information ou document relatif à sa prise en charge, sauf dispositions législatives contraires ;
6° Une information sur ses droits fondamentaux et les protections particulières légales et contractuelles dont elle bénéficie, ainsi que sur les voies de recours à sa disposition ;
7° La participation directe de la personne prise en charge à la conception et à la mise en œuvre du projet d'accueil et d'accompagnement qui la concerne. Cette personne bénéficie de l'aide de son représentant légal, s'il s'agit d'un mineur ou, s'il s'agit d'un majeur faisant l'objet d'une mesure de protection juridique à la personne qui n'est pas apte à exprimer sa volonté, de la personne chargée de cette mesure, qui tient compte de son avis. »
Ainsi, seul le tuteur à la personne peut assister la personne concernée et notamment pour déterminer et consentir au projet d’accueil et d’accompagnement.
Le tuteur à la personne ne peut pas consentir aux lieux et place de la personne concernée, sauf si elle est déclarée inapte à exprimer sa volonté.
Enfin, l’article L471-7 est très clair : « Afin de garantir l'exercice effectif des droits mentionnés aux articles L. 311-3 à L. 311-9, lorsque la personne chargée d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne à l'égard d'un usager d'un établissement mentionné à l'article L. 472-6 est un mandataire judiciaire à la protection des majeurs mentionné au même article :
1° Les documents mentionnés aux trois premiers alinéas de l'article L. 311-4 sont personnellement remis à la personne protégée ou, dès lors que l'état de cette dernière ne lui permet pas d'en mesurer la portée, à un membre du conseil de famille s'il a été constitué ou, à défaut, à un parent, un allié ou une personne de son entourage dont l'existence est connue ;
2° La participation directe de la personne à l'élaboration du document individuel de prise en charge mentionné à l'article L. 311-4 est requise à moins que son état ne lui permette pas d'exprimer une volonté éclairée ;
3° La faculté mentionnée à l'article L. 311-5 est exercée directement par l'intéressé. Lorsque son état ne lui permet pas d'exprimer une volonté éclairée, elle est exercée par un membre du conseil de famille s'il a été constitué ou, à défaut, par un parent, un allié ou une personne de son entourage dont l'existence est connue ;
4° L'association des personnes protégées au fonctionnement du service ou de l'établissement leur est garantie par leur participation directe au conseil de la vie sociale prévu à l'article L. 311-6 ou, lorsque leur état ne le leur permet pas, par d'autres formes de participation prévues par le même article.
Le présent article s'applique lorsque la personne chargée d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne à l'égard d'un usager d'un établissement ou d'un service social ou médico-social mentionné au I de l'article L. 312-1 est un mandataire judiciaire à la protection des majeurs mentionné au 14° du même I, géré par cet établissement ou ce service ou par le gestionnaire de cet établissement ou de ce service s'il n'est pas doté d'une personnalité morale propre.
Seul le tuteur à la personne intervient et le rôle des aidants est valorisé.
Ainsi le tuteur aux biens n’a le pouvoir d’intervenir ni pour les soins médicaux ni pour les contrats d’hébergement ou de service.
En vertu de ces textes, concernant la situation que vous évoquez, le tuteur à la personne nouvellement nommé peut intervenir pour faire modifier les mesures prises pendant la période de sauvegarde, car le mandataire spécial n’avait aucun pouvoir pour prendre des décisions de fin de vie, contrat obsèques, sorties, etc.
Pour le contrat d’hébergement, le tuteur à la personne doit faire valoir ses pouvoirs à la direction et se faire communiquer le contrat et l’annexe et les revoir s’il considère que c’est nécessaire.