Bonjour ,
je réponds un peu plus loin à votre question mais puisque vous êtes journaliste vous intéressant peut être aux personnes de grand âge je soumets d’abord à votre réflexion un autre sujet dont j'aimerais que la société puisse prendre conscience : il s'agit de ce qu’une fois placés en institution, en unité Alzheimer, nos vieux parents sont encore menacés de devoir déménager dans de nouveaux services faisant fi de leurs derniers repères durement acquis, et ce pour des raisons énoncées de projet thérapeutique, projet d’établissement qui sont peu élaborés. En réalité le grand age et la grande dépendance semblent impensés et très peu questionnés sur le plan de la prise en charge et de l’éthique, et pas du tout envisagé dans une continuité. Si vous allez sur différents forums vous verrez qu'il n'est pas rare que cette question se pose pour le plus grand désarroi des familles. Vous verrez aussi certaines réponses du type il faut laisser la place.
Mais pour répondre à votre question initiale :
Personnellement cela a été très difficile. Ma mère était fermement opposée à se rendre en maison de retraite. Elle était très attachée à sa maison qu’elle ne voulait pas quitter. Cependant elle se mettait de plus en plus en danger du fait de son Alzheimer et sa capacité de jugement était amoindrie.
Ce qui nous a obligé à son placement ce sont 2 » fugues « de notre mère dont l'une où elle s'est retrouvée dans un fossé. Tout l'environnement que nous avions mis en place ne convenait plus, elle acceptait l’aide des infirmiers mais toutes les autres (repas, ménage) avec une agressivité très importante parfois physique et les renvoyait.
Nous avons été aidés dans cette décision par l'accueil de jour Alzheimer où Maman se rendait et aussi par le médecin traitant.
Quelles questions nous sommes-nous posées ?
la première en terme de bénéfice /risque pour notre mère.
Bénéfice : sa sécurité , et aussi pour nous aidantes de mettre un frein à notre épuisement.
les risques : Notre mère allait elle supporter, s'acclimater, pouvoir être heureuse dans ce lieu ? Allait elle pouvoir vivre dans un lieu collectif elle qui était très attachée à son indépendance et plutôt solitaire ? Allait elle survivre à ce changement ?
Les critères ?
Quels soins ? Quel entourage pour notre mère, tant en termes de soignants , que de résidents ? Combien de soignants travaillaient là, combien la nuit, etc.. Quelle ATMOSPHERE ? Nous avions visité d'autres Ehpad ce qui a été en partie déterminant c'est le fait que dans celui que nous avons choisi les résidents étaient visible dès l'accueil au contraire d'autres Ehpad où on ne les voyait pas comme si nous semblait-il on cachait les vieux à notre regard. Mais bien sûr, c’est un ressenti.
Il faut aussi visiter plusieurs fois, la première fois malgré tout c’est un choc, que des personnes agées !!!! j’ai eu le sentiment d’être dans un mouroir. Déjà lors de la 2ème visite je pouvais voir un peu les choses autrement, et surtout l’Unité de vie Alzheimer dans laquelle notre mère devait être orientée venait d’être entièrement rénovée. Architecturalement c’est un très beau lieu, baigné de lumière. Sa chambre est très jolie, elle aussi baignée de lumière, cela aussi je pense a été déterminant.
Nous avons été aidés dans ces décisions par l'accueil de jour, le médecin traitant, la chance que l'Ehpad accepte de nous rencontrer à plusieurs reprises avec notre mère, car le placement de son proche est un processus de renoncement , d'acceptation .
Il faut du temps à chacun pour digérer tout cela pour passer à un autre état.
Ma mère étant déjà à l'accueil de jour lié à l’EHPAD elle a pu également profiter de quelques après midi d'intégration. Nous-mêmes, avons pu l'accompagner pour rendre ce lieu le plus familier possible.
Gérer la culpabilité ? c'est très dur, il faut des tiers ! L'accueil de jour, les groupes de paroles ,le médecin coordonnateur, le médecin traitant, cela aide à la supporter, à ne pas s'épuiser à lutter contre la réalité.
je me souviens encore de ma mère hurlant qu' »elle resterait chez elle dans sa maison » et où elle est devenue agressive avec moi ce qui n'était pas notre mode de relation. Ce sont des moments très durs, très tristes.
Pour les aidants , c’est un vrai changement de place, d’imposer à ce point à son parent ce qui n’est pas sa volonté, de décider à sa place. Il faut aussi constater son impuissance, il faut supporter de s’en remettre à un autre pour le suivi de son parent fragilisé, de perdre une certaine maîtrise de la situation. C'est aussi un nouveau processus de séparation et de deuil , et pour soi aussi,aidant, renoncer à la maison de ses parents son entourage familier et protecteur.
Cordialement