Délire : une étrangeté fréquente à explorer
Le délire est l’expression d’une déformation de la réalité qui fait élaborer un discours ou un comportement totalement inadapté à la situation réelle. La personne qui vit cela est absolument convaincue que c’est la vérité.
Un proche qui se comporte d’une façon éloignée de sa normalité, en discours, en gestes, en attitudes est très déstabilisant voire affolant pour ceux qui le côtoient. Cela peut mener à de véritables situations de crise : l’impossibilité à communiquer, réactions agressives, rejets.
L’origine du mot « délire », représente « sortir du sillon, du rail ». Cette manifestation pathologique peut être transitoire, installée, réversible ou pas, souvent accessible à un traitement médicamenteux ou à des stratégies d’apaisement.
Attention : ne seront pas abordés ici, les délires qui entrent dans le cadre d’une longue évolution d’une maladie psychiatrique ancienne (schizophrénie, psychose hallucinatoire chronique).
Les causes possibles des délires
Ce trouble peut être causé :
- Par un état dû à une maladie (psychique, tumeur cérébrale, certaines formes d’épilepsie, toutes les maladies neurocognitives sans exception).
- Par un traitement mal supporté (tous les antalgiques de niveau élevé, les médicaments agissant sur l’humeur, l’angoisse, les antiépileptiques, certains antibiotiques… la liste est longue).
- Par une situation incomprise et perturbante pour la personne qui la vit (se réveiller après une perte de connaissance dans une chambre d’hôpital).
- Par une situation d’isolement social ou sensoriel (surdité, malvoyance) favorisant la survenue d’images, de sons, de personnes, d’histoires pour peupler le vide.
- En réaction à une angoisse extrême ou un état dépressif profond.
- Dans le contexte du grand âge qui est en lui-même un facteur de vulnérabilité à la survenue de manifestations délirantes.
Les manifestations délirantes sont observées dans toutes les maladies neurologiques avec atteinte cognitive, avec une grande fréquence pour la maladie d’Alzheimer, les dégénérescences fronto-temporales, la maladie à Corps de Lewy. C’est la conséquence d’une altération du jugement sur la réalité, d’une impossibilité à analyser ce qui se passe et à y faire face.
C’est donc une inaptitude à répondre aux exigences de la vie quotidienne qui va s’exprimer ainsi.
On parle d’interprétation délirante de la réalité, d’imagination délirante.
Il est donc injuste de stigmatiser une personne : « il est délirant », « c’est du délire » sans essayer de comprendre ce qui se cache derrière ce symptôme. Ainsi, non seulement des pistes vont être offertes pour aider la personne qui en souffre, mais la vision que les autres en ont sera différente.
Quelques idées délirantes fréquentes : expression, explication, conséquences
Les interprétations délirantes :
- Le délire de préjudice est l’un des plus fréquents : « on est venu dans ma chambre pour me voler ». Cette personne qui perd des objets en même temps que sa mémoire est de plus en plus déficiente ne va plus pouvoir admettre qu’elle est en difficulté. Il est alors plus simple de faire peser la faute sur l’entourage. À partir de là, peut s’élaborer tout un scénario qui va être très convaincant même pour les proches. Cela peut aller jusqu’au refus de quitter sa chambre ou son lit, de peur d’être spolié.
- Le délire d’empoisonnement :« je sais bien qu’il y a du poison dans ma nourriture et qu’on me donne des comprimés tous les jours pour me supprimer ». Être servi et manger des plats qu’on n’a pas préparé, prendre des médicaments alors qu’on nie sa maladie, dans un lieu aussi étrange, pour la personne atteinte d’idées délirantes, qu’une institution peut causer cette manifestation. Attention alors au refus de traitement et de nourriture qui peuvent être mis en place pour se protéger.
- Le délire de persécution : « l’homme qui vient chez moi pour faire ma toilette intime veut abuser de moi ». En être réduit à une telle dépendance est inacceptable pour certains car l’intimité est atteinte. Les détails délirants peuvent mettre en cause l’intervenant et l’agressivité se manifester violemment.
- Le délire d’abandon : « on m’a chassée pour se débarrasser de moi ». Qui peut comprendre une institutionnalisation lorsqu’on méconnaît ses troubles ? Le délire devient la plus « rationnelle » des explications, mais les réactions qui en découlent sont dures à supporter pour l’entourage.
Les imaginations délirantes :
- Le délire d’adhésion : « des guerriers arrivent dans ma chambre avec des armes et je vais mourir » ou alors « j’habite chez le Prince de Monaco ». Cette personne va croire qu’elle est au centre de ce qui se passe à la télévision. Les images montrées peuvent générer une panique terrifiante ou un vrai agrément.
- Le délire avec un sosie ou Syndrome de Capgras : « vous ressemblez à mon mari mais c’est faux ». C’est le remplacement d’un proche reconnu par un sosie qui va être qualifié d’imposteur. L’impossibilité de communication et le rejet sont durs à vivre pour le proche et angoissant pour la personne malade.
Autant de scénarios de délires différents que de personnes ! Ils sont largement influencés par :
- Le stade de la maladie : en particulier l’intensité des troubles cognitifs permettant ou non un certain degré de compréhension de la situation vécue dans le présent.
- L’environnement : rassurant ou pas, isolé ou pas.
- L’histoire personnelle : plus ou moins traumatique avec des abandons, des guerres ou au contraire une harmonie.
- La personnalité : suspicieuse ou confiante.
Que faire ?
Les soignants avec le médecin doivent impérativement rechercher une cause et prendre les mesures qui s’imposent pour la contrer : arrêt ou ajustement d’un traitement, contacts humains, aides auditives ou visuelles, présence réconfortante.
Les proches, les soignants et le médecin doivent se mobiliser pour apaiser ce délire si les conséquences en sont terribles pour la personne malade et son entourage : il existe des médicaments efficaces à doser savamment pour en éviter les effets secondaires.
En revanche, il faut savoir respecter certaines idées délirantes lorsqu’elles ne sont pas source de souffrances.
Il est toujours recommandé d’exprimer la reconnaissance de ce que vit l’autre sans pour cela y adhérer ou en rajouter : « C’est terrible ce que tu vis là ». Faire parler, demander des détails « où cela se passe ? La nuit ? Le jour ? Que ressens-tu ? », permet de réconforter et d’apporter des éléments rassurants. Oser exprimer qu’on croit mais qu’on ne ressent pas les mêmes choses montre une compréhension mutuelle. L’histoire de vie est intéressante à explorer.
« Bizarre ? Vous avez dit bizarre ? Comme c’est bizarre ! » Oui, mais essayer de voir au-delà !
Explorer médicalement impérativement, soigner quand c’est possible, comprendre ce qui se cache derrière cette manifestation comportementale, adopter des stratégies adaptées permettent d’aider son proche à vivre mieux et l’aidant à être soutenu.
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