Deuil et maladie cognitive
Lorsqu’une personne souffrant de troubles cognitifs vit la perte d’un proche, que se joue-t-il alors ? Comment faire au mieux ?
Les aidants sont très fréquemment déroutés par la façon dont leur proche souffrant de troubles cognitifs expérimente le « manque » d’une personne ou d’un être vivant (animal de compagnie) décédés. Le vécu est parfois en temps réel (disparition récente) ou à une autre époque (disparition plus ancienne).
L’atteinte des fonctions cognitives ne va pas faciliter la gestion du deuil : désorientation dans le temps réel, les époques, les âges ; non reconnaissance des visages et des lieux de vie ; impossibilité de mettre un mot sur les personnes, les endroits, les ressentis ; grand ralentissement de l’attention ; émotions débordantes.
Les phases du deuil se succèdent ainsi :
- Le déni : comment est-ce possible ?
- La révolte : je n’accepterai jamais !
- La compréhension : c’est vraiment arrivé !
- L’abattement : comment vais-je m’en sortir ?
- L’acceptation : je vais faire avec !
Passer par ces étapes prend plus ou moins de temps et parfois, indépendamment de tout trouble cognitif, la souffrance est difficile à surmonter.
Savoir décrypter l’expression de la peine liée à ce manque
Par le comportement, plus que par les mots et la construction d’un raisonnement, une personne va exprimer sa douleur. L’émotion est, elle, vécue en temps réel et bien vraie : que vous parliez ou pas de la perte d’un être vivant proche, elle sera ressentie. Elle se manifeste de différentes façons possibles :
- Le manque perçu et le réel besoin de retrouver la personne disparue se manifestent par une agitation anxieuse, le désir de fuir, des pleurs inconsolables.
- Le vide crée par la disparition, totalement incompris car ressenti mais non mémorisé fait poser des questions répétitives, incessantes.
- L’impossibilité de satisfaire ce besoin de présence en mettant en œuvre des moyens irréalisables induit une frustration et une panique qui causent colère ou agressivité (verbalement ou en actes).
- La non-acceptation d’une absence due à un décès cause un abattement, un refus alimentaire conduisant parfois à une fin de vie.
- L’affliction extrême mettent à terre et multiplient les chutes.
- L’attente de la venue d’un être à jamais perdu retarde le trépas.
- La protection pour ne pas trop souffrir rend indifférent.
Si les troubles du comportement sont dérangeants, on ne met pas assez en avant les ressources de ceux-là mêmes qui sont atteints de maladies neurocognitives. Ils savent encore consoler, entourer avec affection si on leur en donne l’opportunité en partageant.
Faut-il parler d’un décès et comment ?
Il est toujours bien difficile de cacher un évènement d’une telle importance. Puisque toute absence est ressentie, il faut la nommer en mettant de côté ses propres attentes, ses peurs.
- Dans l’expression d’un partage car la douleur affecte celui qui donne la nouvelle et celui qui la reçoit.
- En respectant les capacités de compréhension, en choisissant des mots simples choisis pour ne pas terrifier.
- En utilisant des témoignages pour donner de la vie à cette absence : souvenirs, photos, musique, vêtement(s) évoquant la personne décédée, lieu(x) de visite à ritualiser.
Mieux gérer les manifestations comportementales
Il est conseillé de ne pas aller à l’encontre de ce besoin de présence impérieux exprimé par un trouble du comportement. Une prise en compte rassurante et un accompagnement s’imposent : on peut amener quelqu’un qui veut sortir vers un lieu où on marchera tout en évoquant la personne recherchée. Des questions incessantes sont facilement apaisées par un air de musique ou une promenade. Le ressenti partagé d’une peine est source de réconfort. Un objet ayant appartenu au défunt est souvent chéri et apaisant.
Un traitement médicamenteux est souvent nécessaire pour passer le cap d’une anxiété extrême ou un état dépressif réactionnel. Mais parfois, le chagrin est insurmontable et il s’agit alors d’accepter que cela nous dépasse.
Il est utile que les aidants connaissent les spécificités d’expression de la peine chez les personnes qu’ils accompagnent, sans oublier que toute peine est partagée…
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