Ehpad : ce qu’il faut savoir sur les contrats d’hébergement
De nombreuses questions se posent concernant les droits de son proche en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) qu’il s’agisse des soins, de sa sécurité ou encore de sa dignité. Le contrat d’hébergement, signé souvent trop hâtivement, a pourtant une importance capitale. Explications et conseils à destination des aidants.
La plupart des personnes âgées en situation de perte d’autonomie qui entrent en maison de retraite, et plus particulièrement en Ehpad, y sont en général contraintes en raison de leur état de santé qui ne leur permet plus de vivre à leur domicile. Avec leurs proches aidants, elles doivent faire face à une situation d’urgence qui oblige à privilégier la sécurité du soin plutôt que l’obligation de respecter l’interdiction du changement de lieu de vie sans l’accord de la personne concernée.
Que dit la loi à propos des contrats d’hébergement ?
Les contrats de séjour sont régis par une loi votée le 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. Malheureusement, cette loi très ancienne est mal respectée par les professionnels qui devraient l’appliquer. De nombreux messages de membres en témoignent sur le site d’Aidons les nôtres.
Pourtant, le Code de la santé publique, comme le Code civil, imposent le principe du juste respect de la liberté et la dignité de la personne. En principe, celle-ci est censée avoir les connaissances et les moyens nécessaires afin d’imposer le respect de ses droits, comme par exemple le choix d’être ou non placée en Ehpad ou consentir aux soins. Or l’état de santé de la personne vulnérable, par définition, ne lui permet plus d’exprimer, voire de connaître ses besoins et encore moins d’engager les actions afin de les faire respecter. C’est pourquoi, la loi ne reconnaît aucun droit au professionnel mais lui donne des obligations à la mesure de sa responsabilité envers cette personne et notamment l’obligation de respecter sa volonté, sa protection, sa dignité.
D’après la loi, le contrat d’hébergement a pour objectif la promotion de l’autonomie et la protection des personnes, la promotion de la cohésion sociale, l’exercice de la citoyenneté, la prévention de l’exclusion et la correction de ses effets, l’évaluation continue des attentes et des besoins des populations concernées. L’Etat, les départements et les établissements, les organismes de sécurité sociale, les associations, sont les garants du respect de ces principes.
Le soignant doit soigner, la maison de retraite doit héberger et empêcher les chutes et les fugues, donner les traitements, faire la toilette et faire participer aux animations. L’énoncé de ces missions peut paraître simple, mais leur mise en œuvre est particulièrement difficile car elles concernent des situations complexes à mettre en place en collectivité en même temps qu’il faut protéger les droits individuels.
Le contrat d’hébergement est un contrat en principe librement consenti entre des personnes qui sont censées être égales, en mesure d’y donner un consentement éclairé, et d’en négocier les termes.
Faire respecter les droits de la personne âgée
Compte tenu du manque de place dans les établissements, leur mauvaise répartition géographique et l’urgence des situations, les aidants familiaux se voient contraints d’obliger leur proche à subir des clauses de contrats qu’ils n’ont pas eu le temps de discuter ou d’en mesurer la portée. Le financement par l’Aide Sociale est aussi une contrainte qui pèse sur les tarifs.
Certains établissements prennent prétexte du respect de la volonté de la personne pour ne pas dispenser des prestations qui sont pourtant payées, comme par exemple le kiné qui ouvre la porte, demande si la personne veut participer aujourd’hui et repart aussitôt, entendant une réponse négative.
Certains contrats contiennent des clauses abusives pourtant sanctionnées par les tribunaux, des règlements intérieurs permettant la rupture unilatérale du contrat sans aucun contrôle. Or, il faut une décision de justice pour expulser un résident. Mais il n’y a pas de contentieux au sujet de ces contrats, en raison du réalisme des proches qui pensent qu’il n’est pas raisonnablement possible de faire respecter les droits, faute de personnel qualifié, faute de places, faute de moyens mais surtout faute d’information.
Que doit contenir le contrat ?
Les règles régissant le contrat sont les mêmes quel que soit l’établissement, public ou privé. Une personne bénéficiant d’un régime de protection judiciaire ou d’un mandat de protection future n’a pas plus ou moins de droits que la personne qui n’en bénéficie pas. Il s’agit d’un contrat d’hébergement dans l’objectif de fournir des soins. De ce fait, ce contrat qui donne la jouissance d’un logement n’est malheureusement pas soumis à la loi qui protège les locataires. La personne peut être expulsée sans que le juge d’instance intervienne. La protection du logement en période d’hiver ne s’applique pas.
En contrepartie, la loi impose le respect de la vie privée car la chambre constitue un domicile : secret des correspondances personnelles, y compris pour la personne sous tutelle, des relations familiales et sociales, le résident reçoit qui il veut, la liberté des pratiques religieuses, le droit à une vie sentimentale et sexuelle. Dans la pratique, ces principes se concrétisent par des règles simples mais très importantes : frapper avant d’entrer et attendre la réponse, ne pas tutoyer, appeler les personnes par leur nom, donner le choix des vêtements, ne pas faire une toilette par force, etc.
La loi prévoit des aménagements spécifiques pour mettre en œuvre ces principes et impose des aménagements supplémentaires :
- l’association des familles à la prise en charge et à la vie collective de l’établissement ;
- l’information des usagers par la communication d’un règlement d’établissement ;
- un rappel des devoirs de la personne accueillie ;
- le respect du contrat individualisé de prise en charge, des rythmes collectifs de vie, des prescriptions d’hygiène individuelles ou collectives ;
- le respect des droits des autres personnes accueillies et des membres du personnel et de leurs biens.
Le contrat est constitué par trois documents signés par l’établissement et la personne : le contrat de séjour au sens strict, le règlement de fonctionnement et le contrat individuel de prise en charge. Par ailleurs, est aussi élaboré un projet d’établissement établi en concertation avec le conseil de la vie sociale qui comprend des représentants des résidents et des familles. Ainsi, il s’agit d’un contrat très réglementé qui doit impérativement être respecté.
Les obligations de chacun
De la part de la personne hébergée, bien entendu, il s’agit de payer la redevance et respecter le règlement intérieur, applicable à elle mais aussi à ses visiteurs.
De la part de l’établissement, la loi réglemente précisément la contention, la géolocalisation, la prescription de neuroleptiques chez des personnes qui ne sont pas psychotiques. Tout défaut de soin ou abus de traitement est sanctionné. Dans l’organisation de la vie quotidienne, le bien-être des résidents doit être privilégié : repas à des heures adaptées, nourriture de bonne qualité, personnel disponible pour stimuler l’appétit, participation aux activités. Les délais et les modes de rupture du contrat y figurent et l’établissement n’a pas à imposer de financer des délais qui ne sont pas prévus.
Que faire en cas de conflit ?
La rupture brutale du contrat est souvent unilatérale de la part d’intervenants qui sont souvent les proches ou l’établissement et non le résident lui-même qui se trouve ainsi balloté contre son gré dans des situations sur lesquelles il n’a aucune prise. Le directeur dispose d’un pouvoir de sanctionner le non-respect du règlement d’établissement par le résident et ses visiteurs. Mais la partie est inégale, car la personne et ses proches ne disposent pas du même pouvoir.
Il est difficilement possible d’aller devant les tribunaux, car c’est le tribunal de grande instance qui est compétent si le litige porte sur un montant de plus de 10 000 € ou le non-respect du contrat, ce qui nécessite l’intervention d’un avocat.
Si le résident ne fait pas l’objet d’une protection juridique, il est possible de saisir le juge des tutelles qui désignera un représentant indépendant qui pourra défendre les droits de la personne accompagnée en cas de conflit. Mais on ne peut pas faire intervenir le juge des tutelles pour chaque conflit avec les maisons de retraites ou Ehpad.
Le dialogue doit être privilégié, sous la responsabilité du directeur. En sa qualité de professionnel, il a l’obligation de résoudre amiablement les conflits internes qui peuvent exister entre le personnel et la personne elle-même, bien incapable par ailleurs de faire respecter le règlement par ses proches.
Si la conciliation interne ne fonctionne pas, il est possible de faire appel à la médiation externe. La loi a prévu que chaque département doit désigner une personne qualifiée pour exercer cette fonction de médiateur. Mais ce système ne fonctionne pas. Le Défenseur des droits peut imposer à l’établissement de participer à une médiation par un médiateur indépendant. Cette médiation aura pour objectif de rédiger le contrat individualisé de prise en charge qui doit en principe être revu tous les 6 mois.
Si la santé du résident est en jeu, le signalement à l’Agence régionale de santé et au conseil départemental est nécessaire. Si le manquement constitue une infraction pénale, la plainte auprès du procureur de la République doit être envisagée mais en dernier recours, car elle n’apportera pas de solution rapide.
Les aidants ne doivent pas hésiter à refuser les clauses des contrats qui leur paraissent abusives, à participer à la vie collective en se faisant élire au conseil de la vie sociale, à être informés des soins qui conditionnent l’organisation de la vie quotidienne de leur proche en se faisant expressément désigner comme personne de confiance. Les avocats sont là pour les guider. Une bonne consultation préalable permet d’éviter bien des litiges. Les aidants ont leur place pleine et entière dans l’établissement où se trouve leur proche et doivent veiller à son bien-être au quotidien dans la mesure où lui-même n’a plus la possibilité de le faire.
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