Unité d’accueil Alzheimer : quelle liberté de décision pour le patient ?
L’entrée en institution et plus encore au sein d’une unité de soins dite « Alzheimer » génère beaucoup de questions, de culpabilité, de doutes. Il en résulte parfois une incompréhension de ce qui est vécu par notre proche au sein même de l’unité, de la manière dont l’équipe accompagne les personnes malades et de la démarche éthique mise en œuvre par les professionnels.
Il n’est pas rare d’entendre parler de secteur « fermé », ou encore de secteur « protégé » lorsqu’il s’agit d’évoquer les unités d’accueil pour nos proches malades. Mais alors « protégé » de qui ou de quoi ? S’agit-il de les protéger d’eux-mêmes ? Des autres ?
Quand la maladie d’alzheimer crainte et risque
De manière très légitime, chaque aidant familial souhaite le meilleur pour son proche avec souvent la volonté d’être assuré de sa sécurité. C’est ce qui est attendu de l’établissement d’accueil, comme par exemple les Ehpad (Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), et de ses équipes qui accompagnent au quotidien les personnes malades.
Une des particularités de la maladie d’Alzheimer est cet impact sur l’autonomie de la personne, c’est-à-dire sa capacité à décider par elle-même et pour elle-même de ce qui est bien pour elle. La maladie avançant, cette capacité s’amenuise et expose plus fréquemment la personne malade à des situations à risques où elle peut se mettre en danger. Mais à quel moment décider que le seuil du risque devient trop important ?
L’exemple suivant doit nous interpeller en tant qu’aidant familial et proche quant à notre représentation de la vulnérabilité de l’autre et la tentation de décider (peut-être trop tôt) à sa place. Une dame atteinte de la maladie d’Alzheimer fut admise en institution après sa seconde chute chez elle. Au sein de l’établissement, cette personne passionnée de jardinage exprimait vivement sa volonté d’aller marcher dans le jardin au milieu des fleurs. Sur décision de la famille, laquelle craignait une nouvelle chute, l’équipe avait pour consigne de ne pas la laisser sortir. Conséquence : une agitation accrue, de l’incompréhension, une sur-sollicitation de l’équipe à qui la dame demandait plusieurs fois par jour de sortir.
La question du droit à la liberté
La question du droit au choix apparaît comme essentielle. Elle l’est à plusieurs titres :
- Pour la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer qui reste un être pensant et agissant et qui doit être assurée du respect de son autonomie le plus longtemps possible ;
- Pour la famille qui aura tendance à vouloir « protéger » et minimiser la prise de risques autour de leur proche ;
- Pour l’équipe de professionnels qui est en recherche permanente d’équilibre entre la sécurité de la personne accueillie et le respect de son autonomie.
Il me semble important de retenir qu’à partir du moment où une demande s’exprime (comme aller voir les fleurs dans le jardin), c’est que la possibilité existe. Il revient alors aux équipes et aux familles d’en discuter afin de définir le champ acceptable pour tous de la prise de risque.
Dans notre exemple : « Et si maman tombe dans le jardin ? », l’inquiétude de la famille est légitime et doit faire l’objet d’une écoute attentive de la part de l’équipe soignante qui pourra alors proposer par exemple d’accompagner une fois par jour cette dame en promenade, ou encore d’imaginer de faire entrer les fleurs à l’intérieur… Ne pas oublier que la part de désir qui peut s’exprimer est un guide dans l’accompagnement à proposer à la personne malade.
Acceptons alors que notre proche atteint d’une démence de type Alzheimer puisse aussi avoir des projets. Cela peut paraître étrange car bien souvent nous pensons qu’il n’a plus de rationalité. Mais il faut avoir à l’esprit qu’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer n’a pas une perte de rationalité permanente.
Un questionnement assez récent autour du risque
L’évolution des professionnels est importante. Les normes, le système qualité, la traçabilité obligent à une professionnalisation très orientée vers les aspects technique et administratif. Or, trop de formalisme désincarne l’autre. Autrement dit, moins de temps consacré à l’accompagnement relationnel.
Par ailleurs, le constat de la judiciarisation de la vie quotidienne est avéré. Le monde qui nous entoure est un monde de risques. Mais face à cette évolution sociale, les établissements vont avoir tendance à minimiser la prise de risque. Quelquefois les familles alimenteront (souvent sans s’en rendre compte) cette logique du risque 0 pour « mon » proche. Dans le cas d’une personne malade d’Alzheimer, s’il y a un tiers qui est responsable (trop souvent ou trop tôt) pour elle, alors il n’y a plus de liberté. Et l’autonomie devient une notion vidée de son sens.
Des droits à maintenir
À trop vouloir bien faire, il arrive que nous n’ayons pas le bon regard sur la situation de notre proche. Nous posons alors des injonctions aux équipes sur ce que nous « autorisons » ou pas à notre proche. Pour son bien… Restons donc vigilants et toujours en lien avec les équipes afin de questionner cet équilibre entre le respect du choix du proche et la garantie d’un niveau acceptable (c’est-à-dire sans ingérence excessive) de sécurité.
Les personnes âgées relèvent du droit général, atteintes de la maladie d’Alzheimer ou pas. Ce sont des citoyens et ils gardent toujours leur droit sur leur personne.
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