Des mots pour le dire : les aidants sont-ils des saintes et des héros ?
Les mots qui sont prononcés par les entourages à propos des aidants qualifiés de « saintes » , de « héros », en disent beaucoup sur les représentations de la place d’aidant.
Les termes pour parler des aidants
Depuis la loi d’adaptation de la société au vieillissement, nous disposons de deux termes officiels pour nommer ceux que nous appelons les aidants.
Il s’agit du terme »proche aidant« qui met en valeur la notion de proximité tout à fait à bon escient, puisque il s’agit bien de proches, amis et voisins, ou membres de la même famille. Pour ces derniers, c’est la loi du 11 février 2005 dite »loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et de la citoyenneté des personnes handicapées » qui utilise le terme d’aidant familial, cette dénomination étant aussi attachée à un accès à des droits pour les proches des personnes en situation de handicap.
Des saintes et des héros
Mais on entend aussi de nombreux qualificatifs, chargés de sens et nous racontant une histoire particulière :
Les saintes, par exemple ! « Cette femme est une sainte » ou bien encore « vous êtes une sainte » ! Ce terme appartient à l’univers du sacré mais aussi du registre moral et renvoie ainsi à une personne vénérable, vénérée et vertueuse. Il donne l’idée d’un domaine réservé, surhumain et protégé pour ces aidants vertueux, remplis de probité et de droiture.
Quant aux héros, ainsi nommés par les entourages professionnels, familiaux ou amicaux, il s’agit des personnes de grande valeur, dignes de l’estime publique, hors du commun, fortes, braves et courageuses.
Un autre mot circule, employé par des aidants eux-mêmes, tel que je l’ai entendu récemment lors d’une conférence publique: il s’agit du terme « sacrifice » qui, dans le dictionnaire historique des mots (1) se réfère à se dévouer par le sacrifice de soi, renoncer et se sacrifier !
À y regarder de plus près, ce vocabulaire est parfaitement significatif de ce que certains proches aidants vivent pour approximativement 20 % d’entre eux.
Des maux derrière les mots
Mais ce qui étonne le plus, c’est notre capacité à nous contenter de ces constats qui engendrent de la fatigue, des problèmes de santé, de l’isolement, de la dépression, en un mot de l’épuisement.
En outre, nous savons aussi que ce sacrifice des saintes et des héros peut entraîner (notamment dans les couples âgés dont l’un souffre de trouble dégénératifs) un décès prématuré de l’aidant, laissant ainsi son proche pour lequel on s’est sacrifié, veuf ou veuve.
Il est vrai que l’on rencontre souvent des personnes qui décident de ne pas avoir recours à des intervenants professionnels car elles estiment qu’il leur incombe d’être le proche aidant de son enfant ou de son épouse car elle connait bien la situation, et « il ne sera pas dit que quelqu’un d’autre que moi s’occupera de mon proche ». Et bien entendu, chacun a le droit d’agir comme il le souhaite mais il est certain que lorsque l’on est nommé « mère courage » ou encore « cette femme est une sainte et cet homme est un héros », cela oblige à faire quelque chose.
Mais si nous nous obligions à ne pas ériger ces pinacles, il s’agit de ne pas qualifier cette aide ! Car nous prenons collectivement un risque, celui d’assigner à résidence d’aider sans autre forme de procès, à valoriser ce sacrifice, en lieu et place de la reconnaissance de cette contribution à l’humanité, de cette solidarité qui ne devrait pas totalement entraver le reste des domaines de la vie de tout un chacun, comme l’activité professionnelle, la vie familiale ou encore les temps de loisir et de répit.
En outre, nous devrions valoriser les services professionnels requis par l’état de santé du proche malade, dans le registre de l’aide à domicile, du soin, de l’hospitalisation à domicile, des soins palliatifs… Car il y a une place pour chacun. Une juste place.
(1) L’origine et l’histoire des mots racontées par Alain REY.
Lire aussi l’article « Le poids des mots« .
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