« Et si mon proche malade s’attachait affectivement à d’autres que moi ? »

« Et si mon proche malade s’attachait affectivement à d’autres que moi ? »

La dépendance s’aggravant, un aidant doit souvent faire appel à des aides extérieures, ou mettre son proche en institution. 

L’aidant, qui jusqu’alors avait offert une présence, un dévouement « suffisamment bons » afin d’assurer un accompagnement de qualité se trouve, en présence des aides au domicile ou en institution, face à un questionnement très douloureux quant à son rôle. Et quand la personne malade semble apprécier les autres plus que son proche, une angoisse majeure et légitime de perte de lien « aidant-aidé » va surgir. 

Des incontournables : les besoins fondamentaux de la personne

Si une personne atteinte d’une maladie neurodégénérative cérébrale n’a plus les moyens d’exprimer ses besoins, ils sont tout de même présents et la personne les ressent. En effet, ils sont communs à tout être humain et ont été définis de façon stricte, entre autre, par Abraham Maslow. 

Il s’agit de : 

  • Besoins physiologiques : hygiène, boire, manger, dormir 
  • Besoins de sécurité : absence de douleur, absence de menaces psychologiques, absence d’angoisse 
  • Besoin d’appartenance : amour donné et reçu, communication chaleureuse, valorisante, se sentir accepté 
  • Besoin d’estime : confiance en soi, autonomie 
  • Besoin de se réaliser : désirs 

Mais il va lui manquer tout un système cognitif (analyse du ressenti, mise en mots) afin de pouvoir les exprimer, ce qui va exacerber ces besoins non satisfaits. Il va donc agir pour les satisfaire. La personne (individu unique, être humain) va tout faire pour arriver à trouver une solution, d’où les attitudes répétitives en réaction à une situation donnée. Cependant, il peut manquer les filtres de bonnes convenances, par exemple avec la maladie d’Alzheimer, la Dégénérescence Lobaire FrontoTemporale (DFT). 

Une histoire vraie

Mr D. atteint de maladie d’Alzheimer, est en institution depuis 3 mois. Pour son épouse, aimante et dévouée, c’est un déchirement ; elle constate que les troubles de mémoire s’aggravent, et elle devient très anxieuse. Elle vient le voir tous les jours et passe son temps à lui demander s’il la reconnaît ; elle lui pose des questions sur le passé (qu’il oublie) ; elle insiste sur des activités qu’il ne peut pas facilement réaliser.
Au bout de quelque temps, son épouse constate que dès qu’il l’aperçoit, il va se réfugier dans la chambre voisine où réside une dame très souriante qui a des cheveux blancs comme elle, et qu’il commence à appeler par le prénom de son épouse : cette dernière éclate fréquemment en sanglots.
Il est aussi très attiré par une aide-soignante très douce aux yeux de velours, comme sa fille.
Celle-ci, au demeurant très gentille avec son père, tente de le raisonner alors qu’il ne peut comprendre.
Tout cela rend les visites décevantes, tristes, parfois brutales car Mr D. développe des troubles du comportement.

Décryptage de l’histoire

Mr D. a une désorientation temporelle et spatiale due à sa maladie d’Alzheimer et il habite à présent un lieu qu’il doit apprivoiser : ces facteurs sont sources d’anxiété qui va devoir être apaisée. 
Cette anxiété se rajoute à l’angoisse de perte du lien chez son épouse : « Me reconnais-tu ? Te souviens-tu de moi ? Je suis ton épouse », sont les questions qu’elle pose sans cesse dès qu’elle lui rend visite. 

Les besoins de Mr D. : la sécurité, l’affection, la confiance en lui. Il ne choisit pas par hasard la dame de la chambre voisine : mêmes cheveux blancs, sourire : comme chez sa propre épouse « d’avant » : il est rassuré, c’est ce qu’il recherche car le reste est trop dur à vivre : il est avec son épouse « comme avant », mais c’est une autre… Il ne choisit pas par hasard l’aide-soignante qui lui rappelle confusément un ressenti aimé. Il est rassuré, cela lui fait du bien et c’est ce qu’il recherche, sauf que c’est une autre… 

Les besoins de Mme D. : la sécurité (absence de peur de ne plus être en lien), l’affection, la reconnaissance. Ils ne sont pas si éloignés de ceux de son époux. 

Des conseils donnés et le résultat

Il est essentiel que chacun puisse se redéfinir dans un rôle, même si ces rôles sont différents « d ‘avant ». 
Dans le cas présent, il a été suggéré d’essayer de vivre deux rôles dans lesquels chacun puisse passer un moment plaisant, en tenant compte des besoins de Mr D et de Mme D. 
Il a donc été mis de côté le rôle d’époux et d’époux en tant que tels (arrêt de : « Tu me reconnais ? Je suis ta femme »). 
Deux rôles impliquent de créer un certain espace afin de mettre à distance les angoisses de l’un et de l’autre. 

La personne atteinte de maladie d’Alzheimer ou de pathologies entrainant des troubles de la compréhension d’une situation donnée va être très réceptive à une technique : celle du rituel. 
Il s’agit de ritualiser une activité (jeu, chanson, moment passé devant un film ou au calme, quelques photos à revoir ensemble, un souvenir évoqué, un gouter avec un gâteau apprécié, etc). 
Ce doit être quelque-chose de facile, ne prenant pas trop de temps, mais qui a une valeur forte sur le plan émotionnel, émotion qui va procurer apaisement et plaisir à tous les deux. 
Le rituel doit être à peu près au même moment de la journée. 
Le rituel va bannir les mots qui angoissent, les situations de mises en échec et favoriser les expressions rassurantes. 
En complément du rituel, un objet appartenant à Mme D. ou familier à Mr D. peut être apporté dans la chambre 

La conséquence s’est manifestée tout de suite : rassuré, Mr D. n’allait plus chercher ailleurs ce que son épouse pouvait lui offrir : un partage en apaisement. Elle ne s’est d’ailleurs plus jamais demandée s’il la reconnaissait ou pas. 

L’énorme besoin de sécurité affective et de confiance chez toutes ces personnes souffrant de pathologies neuro évolutives en raison de leur dépendance, oblige à s’ajuster afin d’y répondre au mieux. Autrement, ils savent déployer des « drôles de stratégies » pour y parvenir, témoignant de la persistance d’une incroyable énergie de survie. 

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