J’en ai marre mais je continue !

J’en ai marre mais je continue !

Accompagner un proche dépendant ou malade n’est pas chose facile. Nous connaissons l’impact sur la vie quotidienne des aidants tant sur un plan émotionnel, physique que psychologique. Mais où les aidants trouvent-ils la force nécessaire pour continuer à accompagner leur proche ? Quatre aidants, suivis par le Relais des aidants, témoignent.

Au relais des aidants, les personnes que nous accompagnons nous font part de leur mal être. Ils parlent de moments cycliques qui correspondent à des périodes de stress élevé. Les causes sont bien connues : soucis de santé de l’aidant, hospitalisation du proche ou retour d’hospitalisation, mésentente entre les membres de la famille, conflits avec le proche malade, avec les intervenants à domicile, choix d’un placement etc. Toute mise à « l’épreuve » est un risque supplémentaire pour l’aidant de se retrouver fragilisé. 

Quand les aidants parviennent à surmonter les épreuves, ils ressentent un soulagement et se « sentent mieux ». Mais à chaque nouvelle épreuve, l’aidant doit puiser dans ses ressources pour y faire face. Ces ressources qu’elles soient physiques, psychiques ou émotionnelles sont très liées au contexte, aux personnalités et au parcours de l’aidant et de la personne aidée : l’amour pour son proche, un devoir, une obligation, réparer quelque chose, comprendre son histoire… 

Voici quelques illustrations d’aidantes qui malgré tout continuent leur accompagnement. 

L’amour de micheline pour sa maman atteinte

« Ce qui est difficile, c’est le changement brusque qui s’opère, on commence à avoir un peu de répit grâce à une organisation bien ficelée et hop nous voilà reparti dans les galères, les difficultés». 

La maman de Micheline a été hospitalisée et le retour d’hospitalisation ne s’est pas déroulé comme prévu. Le service de maintien à domicile n’était pas présent. L’ordonnance prescrite par le médecin hospitalier a été égarée. 

« C’est dur mais il faut tenir et s’adapter car je sais que maman a besoin de moi et peut avoir d’autres soucis de santé.  Il est vrai que je me mets vite en colère, je suis irritable à la moindre remarque. On a le sentiment de n’être jamais compris. Je devrais un jour peut être envisager la maison de retraite. Je me dois de tout faire pour que maman reste le plus longtemps à la maison, je lui dois bien cela. Elle a toujours été là pour moi, m’a donné beaucoup de tendresse et d’amour, elle m‘a aidé à surmonter des moments difficiles ; un divorce douloureux, des amis qui se sont éloignés et une dépression suite à la perte de mon travail. Je ne laisserai jamais maman seule. » 

Un devoir pour Martine d’accompagner son père dépendant

« J’ai voulu garder papa avec moi et éviter qu’il soit placé malgré l’avis de mes frères et sœurs. J’ai donc assumé seule le quotidien. Je voulais que mon père se sente du mieux possible. Au début j’ai été vite dépassée, aucune aide ou soutien de la part de mes sœurs et frères. Ils m’ont fait comprendre que je devais tout faire seule.

Je suis pourtant fatiguée, j’ai eu un cancer et je suis toujours suivie. Je sais que l’aide apportée à mon père peut avoir un gros impact sur ma santé avec le risque d’une récidive du cancer. Mes amis me disent de le placer car je dois penser d’abord à moi, ton père est âgé. C’est difficile d’entendre cela de la part de mes amis. J’ai du mal à comprendre qu’ils puissent parler ainsi ! Et si c’était leur père ! Je suis un peu déçue mais beaucoup moins que de de voir l’attitude de mes sœurs et frères.

J’habite dans un petit appartement. Ce n’est pas évident de changer ses habitudes de vie. Nous avons trouvé nos repères et la vie a continué. Malgré la fatigue, je suis contente de pouvoir m’occuper de mon père. Nous sortons et nous discutons énormément, chose que l’on ne faisait que rarement autrefois.

Avant de reprendre mon activité professionnelle, j’ai mis en place un service d’aide à domicile. Cette idée d’avoir une aide professionnelle me rassurait. J’ai été vite déçue, désemparée, anéantie, que sais-je ! Je pensais que le plus dur était passé. J’ai rencontré jusqu’à aujourd’hui 5 auxiliaires de vie dont j’ai dû me séparer.

Une lui donnait des morceaux de fromage avec un couteau pointu en guise de fourchette, une autre disait à mon père qu’elle était trop fatiguée pour le sortir avec le fauteuil roulant, une autre voulait tout contrôler dans la maison, je n’étais plus chez moi, une autre le couchait pour la sieste avec ses chaussures, une autre ne supportait pas notre chien ! Elle a été maltraitante avec le chien, on a dû l’emmener chez le vétérinaire…

J’avoue que pour moi c’est plus difficile psychologiquement à gérer que la dépendance de mon papa. J’ai de la peine pour lui et je ressens de la colère, il est âgé certes mais c’est une personne, je ne supporte pas qu’on maltraite mon père, sous prétexte qu’il est âgé. 

Les pouvoirs publics font l’apologie du maintien à domicile mais rien n’est mis en place pour une bonne prise en charge.

J’espère que je vais bien finir par trouver une personne qui sera à l’écoute des personnes âgées avec une conscience professionnelle ! Pour ma part, je continue le combat, mon père a toujours été là pour moi comme pour mes sœurs et mon frère d’ailleurs, je ne l’abandonnerais pas. Malgré les difficultés, le manque de liberté parfois, je préfère ma place à la leur. »

Une manière pour Sylvie de se rapprocher de sa mère !

« Dès que maman a eu besoin d’aide je me suis proposée, j’ai un frère et une sœur. Les premiers temps maman était chez elle, j’étais constamment sollicitée, elle refusait toute aide extérieure à la famille. Je rentrais des Etats Unis après un divorce douloureux. La communication était difficile avec maman. Tout était prétexte aux reproches. Je sentais bien qu’elle m’en voulait et faisait souvent l’éloge de ma sœur et de mon frère qui pourtant ne venaient que rarement lui rendre visite. Elle refusait tout dialogue, je ne comprenais pas cette injustice, je suis là et elle est désagréable, voire méchante.

Je souffrais également car revenir en France après 30 ans de vie américaine, laissant mes enfants, ce n’est pas facile. Devenant de plus en plus dépendante et avec son accord elle est partie vivre en maison de retraite. Là j’ai vécu un enfer, rien n’allait, sa chambre, la nourriture, le personnel soignant, moi…

J’ai décidé de lui en parler pour comprendre pourquoi ma mère se comportait ainsi avec moi. J’ai compris que mon départ à l’âge de dix huit ans pour les Etats Unis avec mon compagnon avait plongé ma mère dans un désarroi profond. Je sentais qu’elle m’en voulait voire qu’elle me haïssait. Je ne m’étais pas rendu compte que mon éloignement la faisait souffrir. Elle ne m’en a jamais fait part. En fait elle l’a vécu comme un abandon. J’ai pris du recul pour analyser et comprendre notre histoire, ce n’est pas facile.

Je vais lui rendre visite 3 fois par semaine, notre relation est plus sereine, j’apprécie les moments que nous passons ensemble. Je suis en phase de « réparation » avec maman et c’est parfois douloureux mais nécessaire pour conserver cette sérénité relationnelle. Je pense que cette réparation m’a permise de prendre conscience de beaucoup de choses comme la décision de m’occuper de maman, ce besoin inconscient au départ de prendre soin de maman pour compenser mon absence, je le perçois ainsi et cela m’aide à trouver la force et le courage de continuer à accompagner maman. »

Brigitte souhaite redonner à sa mère ce qu’elle lui a donné

« Quand j’ai pris maman avec moi à la maison, j’ai tout de suite tout pris en charge. Je gérais tout pour elle et je faisais tout à sa place. Pour moi ça me semblait normal. Forcément j’ai été vite limitée, mon corps ne suivait plus. J’étais trop fatiguée, je n’arrivais plus à manger ni à dormir mais je devais continuer. Je voyais bien que je m’éloignais de mes enfants, de mon mari et de nos amis. Mon mari un jour m’a dit : tu es la mère de ta mère, j’ai alors pris conscience que j’étais en train d’inverser les rôles et que notre vie en était très bouleversée. Je ne savais pas pourquoi je réagissais ainsi. J’ai réagi comme s’il s’agissait d’une enfant. On ne pouvait plus continuer ainsi, tout devenait compliqué, je m’occupais davantage de maman. Mes enfants qui me reprochaient de ne plus rien faire avec eux, qu’ils ne me voyaient plus. Et notre vie de couple qui s’effilochait. Je voyais bien que ça n’allait pas. C’était plus fort que moi, maman passait avant tout.

J’ai compris que je ne l’aidais pas en voulant faire tout à sa place et tout gérer. J’ai compris aussi que mon attitude était liée à mon histoire, ma relation avec maman. Tout mon passé est revenu. Mon enfance, heureuse, avec une maman très présente, très protectrice, un papa que j’ai peu connu, il nous a abandonnés. Je ne faisais que lui redonner ce qu’elle m’a donné : attention, amour et protection. Je sais que l’avenir peut nous réserver d’autres difficultés comme par exemple de devoir placer maman, je sais que ça sera très douloureux et j’ai déjà mal. Aujourd’hui un service de maintien à domicile est mis en place, cela m’aide beaucoup. Je retrouve progressivement ma place de fille, de maman et d’épouse.

Qu’elles que soient les raisons qui amènent des personnes à devenir aidant, il est primordial de se protéger, de prendre soin de soi  . Pour continuer du mieux possible l’accompagnement d’un proche dépendant, le répit  et le soutien sont nécessaires. Ne restez pas seul, demandez l’aide des professionnels. Il existe des solutions de répit comme les accueils de jour, des accueils temporaires  qui seront aussi bénéfiques pour vous que pour la personne que vous accompagnez. Des solutions de soutien psychologique individuel ou collectif  vous aideront à prévenir l’épuisement ou pour ceux qui sont déjà épuisés à sortir de cet épuisement.

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