L’importance du regard dans la relation aidant-aidé
Il existe deux bonnes raisons d’apprendre à regarder plutôt qu’à voir dans les situations délicates du quotidien : cela vous fait du bien et cela fait du bien à votre proche.
La vision induit une réaction
Voir, c’est percevoir par la vue, être témoin de quelque-chose. La perception visuelle d’une situation implique un ressenti immédiat : agréable, désagréable ou neutre. C’est à ce point précis que se produit la réaction. Elle est exprimée sous des formes très diverses : élan affectif positif, secours prodigué, reproches, colère, pleurs, effondrement, indifférence.
Ce que vous voyez est exact car c’est un fait : une personne dévêtue alors que vous venez de l’habiller, souillée, à terre, ayant des comportements inadéquats, s’endormant trop fréquemment mais aussi chantant, riant, etc.
La vision est instantanée et n’offre aucune possibilité de recul sur les situations du quotidien. Elle induit une réaction réflexe : vision/réaction. Ce n’est pas grave si tout se passe bien ; c’est dommageable si vous êtes entrainé dans des comportements, verbaux ou agis, négatifs.
Certaines visions s’incrustent ainsi que les réactions qu’elles ont engendrées, surtout si elles ont été dures à vivre. Il devient impossible de les dépasser. Vous redoutez votre proche, ou il est enfermé dans des schémas qui le réduisent à : « c’est un fugueur ; elle est violente ; c’est une Alzheimer ». La liste est longue.
En résulte une situation perdant/perdant. Pour le proche : culpabilité, peur, image réduite. Pour la personne aidée : enfermement, incompréhension (se rajoutant à celle des troubles cognitifs s’ils sont présents).
Le regard qui comprend une situation
Regarder, c’est diriger, poser sa vue. Le regard posé prend son temps pour s’élargir. Il peut ainsi se charger de sens et c’est cela qui va faire toute la différence. « Que devient l’humain en l’homme par le regard d’un autre homme ? » : il existe…
Pour vous, proche aidant, le regard qui comprend va au-delà de la simple vision souvent aveuglante. Il vous permet de révéler ce qui se cache derrière, ce qui est donné à voir, et pourra peut-être délivrer un message.
Regarder se produit dans un deuxième temps. Un espace de recul est ainsi offert, permettant de dépasser la réaction immédiate qui, sauf urgence nécessaire ou situation agréable, est souvent dure.
Devenir « regardant », cela s’apprend !
Voici quelques pistes qui vous permettront de transformer votre vision pour pouvoir poser un regard :
- Comprendre la maladie dont votre proche est atteint : questions, forums, cycles de formation pour les aidants, associations spécialisées dans telle ou telle pathologie… Cela permet de mettre des mots sur des manifestations cliniques et d’ouvrir le regard sur des aspects très riches du vieillissement ou des maladies l’affectant.
- Ne pas rester isolé : groupes de parole qui aident à dépasser la brutalité de la vision et enrichissent le côté humain de la relation.
- Utiliser des outils favorables à poser son regard sur l’autre : apprentissage de la respiration, l’enracinement, la détente. Des disciplines comme le Qi gong sont recommandées.
- Ralentir le temps : il faut savoir prendre le temps de revisiter une situation difficile, après-coup.
En résulte une situation gagnant/gagnant. Pour le proche : moins de réactivité et de culpabilité, appréciation plus juste des moments vécus. Pour la personne aidée : plus de confiance, de calme, une existence.
Vous verrez toujours les choses telles qu’elles se montrent à vous, mais apprendre à poser un regard vous offrira la chance de rétablir, dans son humanité, votre proche devenu à la vision un « étrange étranger ». C’est une richesse pour votre relation aidant/aidé.
S’exercer dans la relation à votre proche
Voici quelques exercices pour vous exercez à regarder.
- Qu’avez-vous vu récemment qui vous a fait réagir (en positif, négatif ou de façon neutre) ? Comment l’expliquez-vous ? Quelles en ont été les conséquences ?
- Avez-vous pris le temps de regarder récemment votre proche pendant, juste après ou à distance d’une situation vécue ? Qu’est-ce qui s’est passé en vous ? Quelles en ont été les conséquences ?
- Pouvez-vous sentir une différence entre votre vision, votre regard sur lui ou elle ?
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