Partie 2 – Témoignage : « Ma mère avait tendance à boire plus que de raison… »

Partie 2 – Témoignage : « Ma mère avait tendance à boire plus que de raison… »

Voici la suite de l’histoire de Marie, aidante de sa maman qui avait tendance à boire un peu trop.

Vous diriez qu’elle était alcoolique ?

Non bien sûr, c’est pas comme si elle buvait toute la journée ! Là je me serais bien sûr inquiétée. C’était juste pendant les repas même si ce n’était pas un Ricard bien tassé mais 2 et plusieurs verres de vin et que ça la rendait plus que guillerette. Après mon père, c’est moi qui était obligée de la restreindre un peu. Elle approchait quand même des 90 ans. Mais comme je vous le disais, je venais la voir 4 fois par an et je ne restais que 4 ou 5 jours à chaque fois. Donc, je ne savais pas ce qu’elle faisait quand elle était toute seule surtout qu’elle allait encore faire ses courses. À ce moment là, je n’avais pas encore mis de services à domicile en place, elle n’en voulait pas. Ma mère aimait bien être tranquille, toute seule. Mon père n’était pas un marrant et il était toujours sur son dos. Alors, quand elle s’est retrouvée seule, je pense qu’elle s’est sentie libérée et donc libre de faire ce qu’elle voulait comme elle voulait.

Ah, je me rappelle aussi, maintenant que l’on en parle, que quand sa mère était encore vivante – elle est morte à 104 ans – elle allait la voir aussi 3 ou 4 fois par an. Elle devait traverser la France et prendre 2 trains. Alors, pour couper un peu le voyage, elle venait d’abord chez moi un jour ou 2. Et souvent, en été, on prenait l’apéritif avec des amis à moi. Maintenant, je m’en souviens là aussi, elle abusait souvent. Une ou 2 fois d’ailleurs, j’ai dû l’aider à aller se coucher car elle ne tenait pas trop sur ses jambes. Elle n’allait pas jusqu’à être saoule mais elle dépassait quand même les limites. Ça allait, elle avait l’alcool gai et elle rigolait. Moi j’avais un peu honte même si mes amis, ça les amusait. En tous cas, elle n’a pas hérité ça de sa mère car elle n’a jamais bu une goutte d’alcool. Mon grand-père lui en revanche passait ses journées au café et rentrait souvent saoul le soir quand il ne fallait pas aller le chercher ! Mais lui aussi, comme ma mère, je n’aurais pas dit qu’il était alcoolique. Il buvait tous les jours avec ses copains au café et souvent un peu trop mais je ne l’ai jamais vu boire dès le matin par exemple. C’était juste l’après midi et le soir à table. Je pense que pour lui, comme pour ma mère, la boisson était une échappatoire.

Comment vous êtes-vous aperçue que votre maman buvait plus que de raison et que ça devenait un problème ?

Un jour, l’aide à domicile, qui vient surtout au moment du repas, m’a appelée pour me dire que quand elle est arrivée, ma mère était au sol. Elle a appelé les pompiers qui se sont rendus compte que ma mère avait bu plus que de raison. L’aide à domicile m’a dit qu’elle draguait le pompier. Elle lui a dit : « vous avez de très jolis yeux Monsieur, si j’étais plus jeune, je vous épouserais !». Bon c’était plutôt drôle mais moi, j’avais honte. Et puis après cet incident, j’ai demandé à l’aide à domicile qui s’occupait de faire ses courses, qu’elle surveille sa consommation. C’est à ce moment là qu’elle s’est aperçue que les bouteilles qu’elle achetait se vidaient rapidement – c’était le cas pour le Ricard et le vin rosé – et que 1 ou 2 fois, elle l’avait retrouvée un peu pompette. Par exemple, quand il fallait qu’elle aille à table, elle avait du mal à se lever de son fauteuil et elle rigolait. Il fallait que l’aide à domicile la soutienne. J’avais vécu ça aussi quand j’allais chez elle mais bon je me disais qu’il fallait aussi qu’elle se fasse plaisir et que tant que j’étais là, ce n’était pas grave. Et puis, elle ne prenait aucun médicament qui aurait pu être dangereux, associé à de l’alcool. Mais je la sermonnais en lui disant
qu’il ne fallait pas qu’elle boive quand elle était toute seule. Vous savez, c’est difficile d’interdire à sa mère quelque chose mais là je me suis dit que ça pouvait devenir dangereux car elle risquait de tomber et de se faire mal, voire de se casser quelque chose.

Alors qu’avez-vous fait ?

Comme je vous le disais, c’est difficile de prendre une décision. Je crois que les personnes âgées ont le droit aussi au risque mais il faut faire en sorte que ce risque soit limité pour éviter le pire.

Moi, je ne voulais pas qu’elle se prive non plus de son petit plaisir. On ne va pas interdire à un fumeur de fumer parce qu’il est vieux ! Pour les personnes âgées, vous savez l’avenir est limité alors souvent ils se moquent des conséquences. Mais bon pour maman, j’ai réfléchi et j’ai pris une décision qui me paraissait raisonnable. J’ai dit à l’aide à domicile qu’elle continue à lui acheter son rosé et qu’elle lui donne un verre par repas. Au début, elle ne cachait pas les bouteilles sauf celles entamées car ma mère ne pouvait pas les ouvrir. J’avais dit à l’aide à domicile qu’elle en parle à la voisine car ma mère aurait bien été capable d’aller frapper chez elle ! Et bien un jour où je suis descendue, la voisine m’a informée que ma mère était bien venue pour qu’elle lui ouvre sa bouteille et comme elle a refusé, elle est allée voir une autre voisine qui l’a ouverte ne sachant pas son problème d’alcool. Ma mère a toujours fait ses petits coups en douce. Elle n’aime pas les conflits alors elle les contourne.

Bon, il a donc fallu cette fois-ci gérer les bouteilles. J’ai pensé à acheter un frigo avec un cadenas mais bon c’est très cher. Alors j’ai dit à l’aide à domicile de les cacher tout en haut d’un placard de la cuisine et de ne pas faire de réserve. Pour le Ricard, elle en a acheté du faux. Entre-temps, ma mère a vieilli et a perdu encore de son autonomie. Même si elle essaye encore de demander un deuxième verre à table, elle a abandonné. Je crois qu’elle avait pris de mauvaises habitudes et que comme l’alcool la rendait gaie, ça la sortait de son quotidien. Et puis, ces abus d’alcool sont venus quand elle a perdu son mari. Encore aujourd’hui, elle a du mal à en parler sans pleurer. Ça a été traumatisant pour elle, elle était bouleversée et peut-être que l’alcool lui permettait de s’échapper un peu. Enfin je n’en sais rien mais tout ça a commencé à la mort de mon père.

Les premières années, personne ne savait puisqu’elle était autonome et que mon frère et moi, on ne se mêlait pas de sa vie. Elle me racontait parfois des virées qu’elle faisait avec son amie et on sentait qu’elles en profitaient bien et qu’il devait y avoir quelques excès mais elle restait toujours vague !
Au moment de l’incident avec les pompiers, elle devait avoir 92 ans et elle avait des aides à domicile, elle n’était plus seule.

Aujourd’hui à 95 ans, son cerveau et sa mémoire ne fonctionnent plus très bien. En tout cas, pour l’alcool, elle boit son petit verre de rosé le midi et c’est tout. Tout se passe très bien maintenant. Elle ne cherche plus à boire quand elle est seule. Bon, la dernière fois que j’y suis allée, je l’ai laissée boire 3 ou 4 petits verres. Que voulez-vous à son âge ! Tout le monde autour d’elle est mort et elle ne sort plus de chez elle sauf accompagnée. Alors quelques écarts de temps en temps, ça fait du bien !

Retrouvez la première partie de l’histoire de Marie

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