Comment gérer la question de la liberté de son parent âgé quand on est aidant ?

Comment gérer la question de la liberté de son parent âgé quand on est aidant ?

Personne n’a envie de se voir dépossédé des pouvoirs exercés toute sa vie, comme organiser sa vie quotidienne, signer des chèques, voter, etc. Pourtant, lors de la perte d’autonomie se produit un renversement : l’enfant devient l’aidant de son propre parent. Entre la nécessité de protéger et le souhait de laisser le maximum de liberté, où se situe la frontière pour l’aidant ? Quelle marge de manœuvre la loi laisse-t-elle ? Sur quels appuis peut-il compter pour faire face à sa culpabilité et assumer sa responsabilité ?

Ce que prévoit la loi en matière de droits des personnes âgées

La loi prévoit qu’une personne conserve ses droits toute sa vie. Seul l’exercice de ses droits peut être pris en charge par une tierce personne qu’elle a librement choisie (mandat de protection future) ou qui a été choisie par le juge des tutelles (curateur ou tuteur) ou même, ce qui est le plus fréquent, imposée de fait par les circonstances. Cette aide doit être proposée à la personne dans le respect de sa volonté, de sa dignité et dans la recherche de la plus grande autonomie possible. Mais surtout dans son intérêt. La loi organise cette limitation de l’exercice des droits d’une personne exclusivement sur avis médical, car imposée par son état de santé.

Suite à un problème de santé, survenant brutalement ou progressivement, c’est l’aidant le plus proche qui est mobilisé pour faire face à la situation. Il se trouve désigné de fait par le pouvoir médical comme la personne de confiance, l’interlocuteur prévu par le code de la santé publique. Sans l’avoir cherché, ce proche utile va ainsi être chargé d’accompagner les actes médicaux, puis d’organiser la vie quotidienne et la gestion administrative. Mais les relations avec les administrations et tout particulièrement les banques ne sont pas aussi simples. Celles-ci ne peuvent se contenter d’un simple pouvoir d’accompagnement sous une forme verbale. Il sera nécessaire d’avoir un pouvoir écrit en bonne et due forme pour avoir accès aux comptes bancaires.

Par facilité, les institutions médicales se soucient peu du consentement de la personne malade ou âgée et elles peuvent lui imposer, par le biais de l’aidant, un soin ou un changement de domicile par exemple, sans recueillir expressément son consentement. Ce comportement peu respectueux confronte souvent l’aidant familial à la résistance et aux protestations de la personne aidée, qui peut souffrir de cette situation surtout si sa dépendance est plus physiologique qu’intellectuelle. L’aidant familial qui prend les choses en main doit faire face à cette hostilité. Il se sent coupable de priver son proche de sa liberté la plus élémentaire, comme celle de résider à son domicile ou de gérer ses propres affaires. Mais d’autre part, il ne peut refuser la responsabilité qui lui est octroyée.

Comment venir en aide aux personnes en perte d’autonomie ?

Selon la loi, aider les personnes dépendantes est un devoir des familles et de la société. La personne qui constate qu’un proche a besoin d’aide a le devoir d’intervenir dans ses affaires pour faire face aux urgences, au péril ou à la préservation de ses intérêts et de son patrimoine. Par exemple, l’aidant doit remplir les obligations fiscales, accomplir les démarches pour bénéficier d’aides, ou s’assurer que les revenus sont bien perçus. Bien des enfants constatent alors une mauvaise gestion et sont fondés à régulariser des déclarations, porter plainte pour abus de faiblesse ou solliciter la nullité de contrats de crédit ou d’achat suite à un démarchage illégal. Ainsi, l’aidant familial se trouve investi de pouvoirs qu’il n’a pas sollicités en raison de circonstances dont il n’est pas responsable et qui relèvent d’un constat médical.

Les services sociaux et notamment les centres locaux d’information et de coordination (CLIC) peuvent apporter une aide précieuse pour remplir des dossiers, trouver un établissement d’accueil et soutenir l’aidant dans la recherche de la meilleure solution possible pour son proche. La situation est plus facile à prendre en charge en cas de mandat de protection future ou de désignation par le juge des tutelles. Elle est aussi plus simple si l’aidant a déjà procuration bancaire, car il peut ainsi effectuer les paiements.

Le mandataire doit respecter les termes de son mandat et s’y conformer. Il peut ainsi rappeler à son proche ses choix lorsqu’il était lucide. La loi et le mandat donnent un cadre, ce qui résout les difficultés. De même, si le proche est nommé curateur ou tuteur par le juge, la culpabilité s’estompe en raison du mandat judiciaire qui lui est confié. Le mandataire n’a pas d’autre choix que de l’exécuter dans les termes de la loi. Dans les deux cas, le juge contrôle et tranche les difficultés.

Quelle responsabilité de l’aidant ?

Le gestionnaire de fait, comme celui qui a reçu un mandat, doit savoir qu’il est responsable des actes qu’il engage au nom et pour le compte de la personne dont il s’occupe. Le gérant d’affaire doit agir jusqu’à ce qu’une solution de prise en charge officielle soit trouvée, soit par un rétablissement de l’état de santé de la personne aidée, soit par désignation d’un mandataire par le juge. Après un décès, il doit continuer la gestion jusqu’à ce que les héritiers aient pu prendre la situation en main. Il doit apporter des soins raisonnables, dit la loi.

Mais s’il commet des fautes ou s’il se montre négligent, le juge peut le condamner à des dommages-intérêts. Par exemple, en cas de vol ou de dégât des eaux dans le logement de son proche, on pourrait lui reprocher de ne pas avoir fait de déclaration de sinistre à la compagnie d’assurance ou de ne pas avoir fait intervenir une entreprise pour faire cesser le dommage.

Le gérant de fait, comme le mandataire nommé par mandat ou par le juge, doit être diligent et avisé. Il doit faire de son mieux, selon ses moyens. Il doit prendre la situation de façon globale et ne pas négliger certains aspects. Il est sous le contrôle du juge et devra rendre des comptes, à la personne elle-même, au juge des tutelles et aux héritiers. Il peut être remboursé des frais et des fonds personnels qu’il a engagés pour les dépenses utiles ou nécessaires. Ses pouvoirs sont limités aux actes de gestion et d’administration indispensables. Il ne peut ni vendre ni donner. Ainsi, sur le plan patrimonial, il doit agir conformément aux intérêts de la personne aidée, en sachant qu’il devra un jour rendre des comptes, ce qui implique qu’il devra tenir la comptabilité et garder les justificatifs.

En revanche, sur le plan personnel et notamment pour le consentement aux soins, la responsabilité incombe exclusivement au médecin. C’est lui qui doit faire en sorte que le traitement soit pris, donner à l’aidant les certificats nécessaires à l’obtention des aides, prendre les décisions d’hospitalisation et justifier l’entrée en établissement d’accueil.

Quel responsabilité du médecin ?

L’accompagnement aux soins médicaux est un devoir de l’aidant, mais faire accepter le soin par le malade est de la responsabilité du médecin. Celui-ci doit, en toute circonstance, recueillir le consentement du malade ou tout au moins son assentiment. D’après le code de déontologie médicale, le proche n’est mobilisé que pour veiller au respect de la prescription. C’est ainsi qu’une collaboration doit s’instaurer entre le médecin traitant et le malade, en présence de son aidant. Cette collaboration nécessite une confiance mutuelle : le malade, mais aussi son aidant, doivent pouvoir évoquer toute difficulté et bénéficier de l’écoute nécessaire, car un regard croisé est indispensable pour éclairer le médecin. Ce dernier doit prendre en charge la situation de manière globale et préserver en même temps la santé et la sécurité de l’aidant. La plupart des médecins savent tenir cette distance subtile entre la préservation de l’intimité du malade et la nécessaire intervention de l’aidant.

C’est donc au médecin de déterminer les aides nécessaires. Ce n’est pas au proche de prendre cette responsabilité. Il doit seulement participer à sa mise en œuvre une fois que la décision est prise. Ce constat devrait normalement faciliter les relations avec son proche en cas de résistance ou de refus de la part de ce dernier. L’aidant devra bien faire comprendre que ce n’est pas lui qui décide des restrictions de liberté, qu’il n’est qu’un exécutant. Quant à l’organisation de la vie quotidienne, elle est de la responsabilité de l’aidant. Celui-ci peut en revanche trouver un appui auprès des services sociaux, notamment hospitaliers. Ils l’aideront à organiser la sortie de l’établissement, à trouver en urgence des aides à domicile, et de façon générale, à convaincre la personne aidée que la solution choisie par l’aidant est la meilleure et parfois la seule possible.

Le dialogue entre les différents intervenants, médicaux, sociaux et juridiques, est le seul moyen de sécuriser la relation entre l’aidant et son proche, pour que le désir de liberté de la personne prise en charge ne vienne pas altérer l’aide dont elle a besoin.

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