Partie 2 – L’aide à domicile sous le regard de Nora, auxiliaire de vie
Dans la première partie de son interview, Nora se confiait sur son métier d’auxiliaire de vie. Retrouvez à présent la suite de son témoignage sur son parcours, son expérience et les difficultés de ce métier qu’elle exerce depuis 6 ans.
Que faites-vous pour les personnes âgées que vous ne devriez pas faire ?
Pour moi, pour bien faire mon travail, dans ce métier, on doit prendre des initiatives. Quand je vais pour la première fois chez une personne, je prends le temps de la connaître, de lui parler pour gagner sa confiance. Il y a plein de choses que je ne devrais pas faire mais si je ne le fais pas, qui va le faire ? Par exemple, je ne dois pas faire des soins de pédicure ou de petits soins médicaux comme soigner une plaie ou refaire un pansement. Je n’ai pas le droit non plus de gérer l’argent ou d’avoir la carte bleue de la personne. Et parfois aussi, quand la personne ne va pas bien ou qu’elle rentre de l’hôpital, je vais lui rendre visite en dehors de mon travail avec des fleurs ou des chocolats.
Dans mon association, le responsable ne me dit trop rien. Mais une fois, il m’a appelée très en colère car il a su que j’étais allée en pleine nuit chez une personne dont je m’occupe car elle était tombée. J’avais donné mon numéro de téléphone au service de téléassistance et comme son fils ne répondait pas, ils m’ont appelée. Qu’est-ce que je pouvais faire ? Je n’allais pas laisser la dame comme ça !
D’après vous, c’est quoi une bonne aide à domicile ?
Une bonne aide à domicile c’est celle qui arrive à gagner la confiance de la personne pour qu’elle se sente bien avec elle. Quand on arrive, il faut d’abord essayer de créer un bon contact, de connaître la personne, ses habitudes, ce qu’elle aime et ce dont elle a besoin. Il faut pouvoir faire le travail sans que la personne nous dise quoi faire. Il faut anticiper, prendre des initiatives. Surtout que certaines personnes ne peuvent plus nous le dire. Gérer le quotidien d’une personne qui ne peut plus rien faire, ce n’est pas rien. Il faut penser à tout.
Et puis surtout, il faut les respecter, ne pas les tutoyer ou les infantiliser. Ce ne sont pas des enfants !
Pour moi, il faut essayer le plus possible qu’elles gardent leur autonomie. Il faut les stimuler par des jeux par exemple et les laisser faire ce qui est encore possible comme éplucher les légumes ou essuyer la vaisselle. Il ne faut jamais changer leurs habitudes. Par exemple, déplacer un objet ailleurs. La personne sera déstabilisée car elle vit dans son univers depuis très longtemps. C’est à nous de nous adapter à la personne et pas l’inverse.
Si vous aviez le choix, qu’est-ce que vous aimeriez faire ?
J’aimerais être infirmière comme avant mais je n’ai plus le courage de reprendre mes études. Alors, je pense que je vais faire une VAE pour devenir aide-soignante à domicile. J’aime bien les soins. Mais je voudrais continuer mon métier d’aide à domicile aussi car il est varié. Je trouve que l’hygiène pour une personne âgée est essentielle. Souvent, quand je suis chez une personne et que le service infirmier passe, je vois bien qu’ils ne prennent pas le temps de faire la toilette correctement. Souvent, c’est un petit coup de gant sur le visage et les parties intimes.
En devenant aide-soignante, je pourrais faire des soins pour les personnes légalement. Car jusqu’à maintenant, il m’est arrivé de faire des soins d’urgence comme l’exemple de la dame qui s’était ouvert la tête.
D’après vous et votre expérience, qu’est-ce qu’il faudrait améliorer pour que l’accompagnement des personnes âgées se passe le mieux possible ?
Il y aurait beaucoup de choses à dire ! J’aimerais que dans les associations, il y ait une coordinatrice comme pour les infirmières à l’hôpital. Une référente qui pourrait faire des visites quand on est chez la personne pour savoir comment ça se passe et qu’on puisse lui parler des difficultés. Elle pourrait voir ce qui se passe vraiment entre la personne et l’aide à domicile. Car la plupart ne peuvent plus ou n’osent plus dire la vérité quand ça se passe mal ou qu’elles ne sont pas contentes. Certaines se plaignent à moi.
Et puis, il faudrait qu’on puisse rencontrer nos collègues, surtout celles qui vont chez la même personne. Faire une réunion de temps en temps. On pourrait se parler et se dire les choses. Ce serait mieux pour nous et aussi pour la personne âgée. Quand il y a un enfant aidant, ça va mais beaucoup n’ont personne alors si en plus l’aide à domicile ne sait pas s’occuper de la personne, ça me fait mal au cœur. C’est triste ! Et aussi, il faudrait qu’on puisse faire des vraies formations. Certaines n’ont même pas de diplôme et ne connaissent pas les personnes âgées. En plus, beaucoup sont très jeunes, elles font ça pour gagner un peu d’argent mais pas par amour. Les associations parlent de la qualité de leur service mais la réalité, ça n’est pas ça.
Et puis ce serait bien que les enfants, la famille viennent les voir de temps en temps. Certaines personnes ne comprennent pas pourquoi ils ne viennent jamais. Elles se sentent abandonnées. Elles disent qu’elles se sont occupées d’eux et que maintenant, ils s’en moquent. Au mieux, ils appellent mais bon ce n’est pas pareil. Ils pourraient venir, partager des souvenirs, sortir, aller au restaurant, leur donner de l’affection, de l’amour, ce que l’aide à domicile ne peut pas faire.
Merci Nora pour votre témoignage.
Interview réalisée le 11 juin 2021
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