Protection judiciaire des majeurs : ce qui change avec la nouvelle réforme
La loi de programmation de la justice pour 2019-2020 a modifié la loi du 5 mars 2007 sur la protection des majeurs. Votée le 23 mars 2019, elle a été publiée le 24 mars et est d’application immédiate dès le 25 mars dans presque tous ses articles qui concernent la protection des majeurs. On a annoncé la disparition de la tutelle, ce n’est pas encore le cas. Qu’y a-t’il de changé dans l’immédiat pour les aidants qui doivent faire face à la nécessité de mettre en place une protection judiciaire de leur proche ? Explications.
La loi d’organisation judiciaire a prévu de dénommer l’ancien juge des tutelles, le juge du contentieux des protections. Nous l’appellerons le juge de la protection.
Suppression du contrôle préalable du juge en matière patrimoniale
En matière de partage et succession :
- L’ouverture des opérations de partage amiable en matière de succession et d’indivision ne nécessitera plus d’autorisation du juge de la protection quand la personne protégée est sous tutelle.
- L’acceptation pure et simple d’une succession dès lors que le notaire atteste qu’elle est bénéficiaire.
Le juge renvoie à la responsabilité du notaire d’établir l’actif et le passif de la succession.
La gestion des comptes bancaires dans les cas suivants :
- L’ouverture de compte courant ou de placement, la modification des comptes existants dans le même établissement ou la clôture d’un compte ouvert pendant la tutelle ne nécessiteront plus l’accord du juge.
Le banquier devra exercer son obligation de conseil et signaler les mouvements qui lui paraîtront étranges afin que le juge puisse vérifier qu’ils sont effectués dans l’intérêt exclusif du majeur.
Une convention obsèques pour une personne protégée peut désormais être souscrite sans l’autorisation du juge de la protection.
Le choix et la rémunération des administrateurs particuliers que le tuteur engagera pour faire face à la gestion seront considérés comme des actes de gestion. Ces professionnels, gestionnaires de patrimoine indépendants, administrateurs d’immeubles… ont leur propre réglementation qui couvre leur propre responsabilité. Il n’y a pas besoin du contrôle a priori du juge.
Renforcement de l’exercice de leurs droits personnes pour les personnes protégées
Il n’y a plus besoin d’autorisation du juge de la protection pour les actes médicaux portant atteinte à l’intégrité corporelle du majeur protégé. La personne chargée de la protection sera chargée de veiller à la bonne compréhension des actes médicaux par la personne protégée.
La personne protégée pourra librement se marier. Elle devra simplement informer la personne chargée de sa protection de la publication des bans. En contrepartie, le droit d’opposition à mariage de la personne chargée de la protection est élargi. Si le tuteur considère que le mariage n’est pas conforme aux intérêts de la personne protégée, il pourra faire opposition au mariage auprès du procureur de la République, pour un an renouvelable. Cette opposition pourra être contestée par les futurs mariés devant le tribunal de grande instance qui aura 10 jours pour statuer.
Le juge pourra autoriser la personne chargée de la protection à conclure un contrat de mariage différent de la communauté légale si les intérêts financiers de la personne protégée sont en danger, tout en lui laissant le choix de sa vie personnelle.
Cette opposition au mariage, ouvert au tuteur ou curateur et aux membres de la famille, est une grande nouveauté, car depuis le code napoléon, seuls les parents pouvaient faire opposition au mariage de leur enfant. L’évolution de la loi sera d’un grand secours en matière d’abus de faiblesse sur une personne âgée.
Le PACS est libre, sauf présence du tuteur pour la signature de la convention.
Le divorce ne nécessite plus l’audition par le juge de la protection, ni l’accord du tuteur pour signer le PV d’acceptation du principe de la rupture du mariage sans considération des faits qui en sont à l’origine. La procédure de divorce est suspendue jusqu’au prononcé de la mesure. Ensuite l’action ne peut être engagée, pour l’assignation en divorce proprement dite, qu’avec l’assistance du curateur ou la représentation du tuteur.
Le divorce par consentement mutuel est toujours refusé au majeur protégé, malgré la présence de deux avocats.
Le majeur protégé qui en a été privé, récupère immédiatement son droit de vote, dès les élections européennes du 26 mai 2019, à condition qu’il en fasse la demande par correspondance ou par internet, directement ou par l’intermédiaire d’un mandataire, de son tuteur. Il a jusqu’au 16 mai pour le faire.
Le vote est effectivement libre et secret. La personne protégée peut donner procuration pour voter à son tuteur familial. La seule restriction est qu’il ne peut donner procuration pour voter à son tuteur professionnel, aux professionnels ou bénévoles qui exercent dans son établissement, ou au personnel du service d’aide à domicile. Il y a donc urgence pour les aidants à réinscrire les personnes protégées qui ont perdu leur droit de vote sur les listes électorales et leur permettre de s’organiser pour exercer ce droit citoyen.
Élargissement et facilitation de l’habilitation familiale
Il est désormais possible d’obtenir le prononcé d’une habilitation familiale pour une simple assistance. La personne à protéger devra remplir les conditions de l’article 425 du code civil et se trouver dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles si elles empêchent la manifestation de sa volonté.
Le juge pourra définir les actes de simple gestion et ordonner en même temps les actes de disposition, ainsi que ceux qui seront soumis à son autorisation. La personne protégée pourra en demander la mainlevée. Il n’y a toujours pas de contrôle des comptes pour l’habilitation familiale.
Si une tutelle ou curatelle a été demandée le juge pourra prononcer une habilitation familiale s’il considère qu’elle est suffisante. Inversement, il pourra prononcer une tutelle ou curatelle s’il considère l’habilitation familiale insuffisamment protectrice des intérêts de la personne à protéger.
Ainsi les personnes à protéger retrouvent l’initiative de l’exercice de leurs droits personnels. Les juges retrouvent leur véritable autonomie de choix et d’aménagement de la vie personnelle de la personne à protéger en fonction de ses besoins.
Modification du contrôle des comptes
Le juge va pouvoir dispenser du contrôle des comptes, dire qu’il ne sera pas déposé tous les ans. Il confiera le contrôle aux différents organes de la protection : cotuteur, tuteur adjoint, subrogé, etc. qui seront chargés de ce contrôle, notamment pour l’emploi et le remploi des capitaux. Cette partie est d’application immédiate. Évidemment, en cas de difficulté celui qui ne sera pas d’accord pour valider les comptes les fera déposer au greffe pour contrôle.
S’il ne peut y avoir plusieurs organes de la protection, le juge pourra désigner un professionnel qualifié pour effectuer le contrôle, en choisissant le mode de contrôle le moins cher. Ce pourra être un notaire, un huissier, un avocat, un expert-comptable, un commissaire aux comptes, un administrateur ou mandataire judiciaire, une association de contrôle. On peut espérer que le juge choisira le professionnel en fonction de la nature des comptes à contrôler. Cette partie n’entrera en vigueur seulement le 31 décembre 2023 au plus tard.
Renforcement de l’obligation d’inventaire
L’inventaire des meubles corporels devra être fait dans les 3 mois du prononcé de la mesure. Pour les autres biens (valeurs mobilières, immeubles), le dépôt de l’inventaire devra se faire dans les 6 mois seulement. Il devra être accompagné d’un budget prévisionnel. Le secret professionnel n’est pas opposable à celui qui est chargé de faire inventaire.
Il a accès au fichier FICOBA.
Pour éviter toute malveillance financière pendant cette période de réorganisation des comptes, la personne chargée de la protection devra notifier au banquier la décision dès qu’elle a été prononcée, afin qu’il soit vigilant. En cas de défaillance de la personne chargée de la protection pour établir l’inventaire, le juge pourra désigner un commissaire-priseur, un notaire ou un huissier et mettre les frais à la charge du mandataire défaillant.
Pour tous ces changements, bien entendu, le juge reste chargé de régler les conflits qui pourraient survenir entre la personne protégée et son tuteur ou son curateur.
Ainsi, le juge de la protection voit sa tâche allégée. Logiquement, il met en place, dès le début, la mesure de protection aux mieux des intérêts de la personne protégée de façon plus souple et plus libre. Par la suite, ne sera chargé que du contrôle suite aux signalements des difficultés ou en cas de conflits, conformément à son pouvoir juridictionnel.
Le tuteur ou le curateur en revanche supporte de plus lourdes responsabilités. Mais son rôle est revalorisé. On peut espérer que la nomination d’un subrogé, déjà chargé de vérifier le bon fonctionnement de la protection, va devenir systématique.
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