La place du tuteur à la personne pour les soins médicaux
La situation des aidants, qu’ils soient tuteur à la personne ou simple personne de confiance, est particulièrement délicate pour les décisions concernant les soins médicaux et plus généralement, celles d’ordre personnel. Les décisions prises sont souvent irrévocables.
En effet, pour citer un exemple, une fois qu’une personne a décidé de quitter son domicile pour aller vivre en établissement, il est pratiquement impossible pour elle d’y revenir, mais aussi en ce qui concerne le soin dont les effets sont la plupart du temps irrémédiables. La place de chacun est difficile à trouver en raison d’une difficulté à combiner les prescriptions du code de la santé publique avec le droit des personnes vulnérables ou protégées. Des principes clairs peuvent cependant être invoqués afin de simplifier les relations pour que l’accompagnement personnel de la personne vulnérable se fasse de la manière la plus sereine possible dans le respect de ses droits fondamentaux (respect de sa volonté et de sa dignité).
En matière de soins, à quoi doit consentir le tuteur à la personne ? Quel est son rôle en présence d’une personne de confiance ? Doit-t’il consentir ou autoriser ? Peut-il faire rédiger des directives anticipées ? À quel moment passe-t’on du soin « ordinaire » aux soins palliatifs de fin de vie ? Où commence l’acharnement thérapeutique ? Ces questions se sont posées lors du confinement dans les EHPAD et se posent toujours sur la question de la vaccination.
L’accès à une information claire, loyale et adaptée à son état
Le médecin doit en effet aux patients une information claire, loyale et adaptée à leur état.
Une ordonnance du 11 mars 2020, modifiant le code de la santé publique est désormais applicable. L’information prévue à l’article L1111-2 du code de la santé publique prévoit qu’elle doit être délivrée « d’une manière adaptée à leur capacité de compréhension. » Et ce, dans tous les cas : mandat spécial, curatelle ou tutelle :
En curatelle, s’il y a nomination expresse par le juge d’une curatelle à la personne, le curateur peut recevoir l’information si la personne en curatelle « y consent expressément ». Ce n’est donc pas automatique. Si elle le demande, le secret médical pourra être opposé au curateur. En cas de difficulté, si la personne se met en danger, le curateur pourra toujours saisir le juge qui est chargé de régler les conflits et l’autoriser à la faire hospitaliser par exemple.
En tutelle, s’il y a nomination expresse d’un tuteur à la personne, il représente la personne protégée. Cependant, le médecin doit aussi recueillir son consentement à donner cette information. La nomination d’un tuteur, sans autre précision ne lui permet pas de représenter la personne pour recevoir une information sur ses soins médicaux.
Le tuteur aux biens ne représente pas la personne pour les soins médicaux.
Sur la communication des informations et du dossier médical, les règles sont les mêmes.
L’article L 1111-7 du code de la santé publique dit : «Toute personne a accès à l’ensemble des informations concernant sa santé, détenues, à quelque titre que ce soit, par tous les professionnels de santé, par tous les établissements de santé. »
Ce sont toutes les informations qui ont fait l’objet d’un compte rendu formel. Les brouillons et notes informelles du praticien n’en font pas partie.
Sont concernés aussi les d’échanges écrits entre professionnels de santé, notamment « des résultats d’examen, comptes-rendus de consultation, d’intervention, d’exploration ou d’hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en œuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l’exception des informations mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers. »
C’est pourquoi, depuis la loi du 4 mars 2002, les patients reçoivent un exemplaire de leurs comptes-rendus.
En tutelle : le tuteur à la personne exclusivement « a accès à ces informations dans les mêmes conditions que la personne qu’il protège. »Ainsi, le corps médical ne peut refuser au tuteur à la personne l’accès aux informations et aux documents.
En curatelle : la personne protégée peut refuser l’accès des dossiers à son curateur à la personne.
Dans certains cas délicats, les médecins peuvent recommander laprésence d’une tierce personne lors de la consultation pour éviter que la personne coure un risque d’en prendre connaissance sans accompagnement. Mais, si elle insiste, le médecin ne peut s’y opposer. C’est souvent le médecin traitant qui explique les comptes-rendus des examens au patient.
Le rôle de la personne de confiance est important pour cet accompagnement.
Il y a des restrictions aussi pour la consultation des informations recueillies dans le cadre d’une admission en soins psychiatriques sans consentement qui peut être subordonnée à la présence d’un médecin désigné par le demandeur en cas de risques d’une gravité particulière. En cas de refus du demandeur, la commission départementale des soins psychiatriques est saisie. Son avis s’impose au détenteur des informations comme au demandeur.
Ainsi, la responsabilité de l’information du patient relève exclusivement du médecin.
L’accès à l’information dans le cadre du secret médical
La protection du secret médical est un droit maintenu à la personne quel que soit son statut juridique. L’article L1110-4 du code de la santé publique dit notamment que :
« I.- Toute personne prise en charge par un professionnel de santé, et par n’importe quel établissement, y compris en EHPAD, a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant.
Il s’impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé.
II.- Les professionnels peuvent échanger des informations, à condition qu’ils participent tous à sa prise en charge et que ces informations soient strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins, à la prévention ou à son suivi médico-social et social.
III.- Lorsque ces professionnels appartiennent à la même équipe de soins, ces informations sont réputées confiées par la personne à l’ensemble de l’équipe. »
Lorsque des professionnels ne faisant pas partie de la même équipe de soins, doivent partager des informations nécessaires à la prise en charge d’une personne, son consentement préalable est requis.
« IV.- La personne peut s’opposer formellement à ce partage. Ce qui explique la lettre d’accompagnement qui est remis au patient à destination d’un autre médecin. »
En cas de violation du secret médical, le médecin risque des sanctions pénales.
Très important pour les proches
« En cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical ne s’oppose pas à ce que la famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d’apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part. Seul un médecin est habilité à délivrer, ou à faire délivrer sous sa responsabilité, ces informations. »
De même, en cas de décès :
« Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité,dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès. »
Les ayants-droit ne sont pas exclusivement les héritiers, contrairement à ce qui est souvent indiqué. En effet, le bénéficiaire d’un testament peut avoir à justifier de l’état de santé de la personne qui l’a gratifié. Le médecin ou les services administratifs des établissements ne sont pas juges des droits d’une personne. Il suffit qu’elle justifie de son identité et explique les motifs de sa recherche.
En cas de difficulté, il faut s’adresser à la Commission d’accès aux documents administratifs – CADA – puis au tribunal administratif si le dossier est détenu par un établissement public ou au juge des référés du tribunal judiciaire s’il s’agit d’un praticien libéral. Mais en général, il n’y a pas de difficulté.
La coordination des soins et le secret partagé
L’article L1111-15 du code de la santé publique règlemente de façon très précise le partage du secret médical.
La complexité et la technicité des soins imposent la présence de plusieurs professionnels complémentaires qui doivent impérativement travailler ensemble.
C’est pourquoi il est prévu, pour tous les assurés sociaux, undossier médical partagé, qui reporte tous les éléments nécessaires àla coordination des soins. Désormais, ce dossier est informatisé et sera contenu dans la nouvelle carte Vitale.
Ce dossier peut être créé sur le site dédié, dmp.fr de l’Assurance maladie.
Sa création sera automatique pour les assurés sociaux au cours de l’année 2022.
« À l’occasion du séjour, les professionnels de l’établissement reportent dans le dossier médical partagé, un résumé des principaux éléments relatifs à ce séjour. Le médecin traitant verse au moins une fois par an une synthèse. »
De ce fait, la responsabilité du professionnel de santé ne peut être engagée en cas de litige si une information lui avait été masquée et dont il ne pouvait légitimement avoir connaissance par ailleurs.
Le dossier médical partagé contient aussi les décisions relatives au don d’organes ou de tissus, aux directives anticipées et à la personne de confiance désignée pour les soins, mais aussi pour les séjours en établissements.
« Le dossier médical partagé comporte aussi un volet relatif aux personnes qui remplissent auprès du titulaire du dossier la qualité de proches aidants ou de proches aidés, en ce qu’elles aident le titulaire du dossier ou reçoivent une aide du titulaire du dossier, au sens de l’article L.113-1-3 du même code, soit en raison de l’âge, d’une situation de handicap ou d’une maladie. »
L’article L113-1-3 du code de l’action sociale et des familles définit le rôle du proche aidant : « Est considéré comme proche aidant d’une personne âgée son conjoint, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, un parent ou un allié, définis comme aidants familiaux, ou une personne résidant avec elle ou entretenant avec elle des liens étroits et stables, qui lui vient en aide, de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne. »
Cette définition du proche aidant est essentielle pour garantir la place de l’entourage auprès des personnes en établissement et à domicile. La loi reconnaît qu’une personne proche fait partie du soin. Il faudrait que ce statut de proche aidant soit mieux connu dans les EHPAD puisqu’il est désormais reconnu dans le code de la santé publique.
En outre, ces proches doivent recevoir l’information et une formation dans le cadre du secret médical partagé, ne serait-ce que pour apprendre à prodiguer les soins au quotidien, ceci pour compenser le manque de personnel soignant.
« Certaines informations peuvent être rendues inaccessibles par le titulaire du dossier médical partagé. Si ce dernier est un majeur faisant l’objet d’une tutelle à la personne, et n’est pas apte à exprimer sa volonté, la décision est prise par le tuteur à la personne en tenant compte de son avis. »
Ainsi, le tuteur à la personne peut s’opposer à ce que certaines informations figurent dans le dossier partagé. Il s’agit là d’une décision qu’il a le pouvoir de prendre, pour faire respecter la volonté de la personne protégée et lui garantir le secret médical.
Qui sait que le médecin coordonnateur de l’EHPAD peut se voir interdire l’accès au dossier partagé sur avis du patient ou de son tuteur à la personne ?
Le médecin traitant dispose d’un droit d’accès au dossier médical partagé lui permettant d’accéder à l’ensemble des informations contenues dans ce dossier, à condition qu’il soit aussi le médecin référent au sens de la Sécurité sociale.
Ainsi, le code de la santé publique et le code de l’action sociale et des familles sont très protecteurs de la relation entre la personne vulnérable et ses proches aidants, même si elle bénéficie d’une protection judiciaire en collaboration et présence du tuteur ou du curateur à la personne, étant entendu que seul le tuteur à la personne a pour mission de recevoir l’information pour les soins médicaux lorsque la personne n’est plus capable de les recevoir.
Ces règles s’appliquent aussi dans les établissements médicaux et médico-sociaux.
Ces informations sur les soins prodigués sont formalisées dans l’annexe au contrat de séjour dans les établissements, qui doit être mise à jour tous les 6 mois minimum et révisée à tout moment à l’initiative de la personne, du médecin coordonnateur, du médecin traitant ou du directeur. Le mandataire à la personne doit y participer et le curateur doit en être informé en même temps que la personne.
L’annexe au contrat de séjour garantit la liberté d’aller et venir. Toute restriction doit être décidée collégialement et limitée dans le temps. Un projet d’annexe est établi par le médecin coordonnateur de l’EHPAD ou le médecin traitant. Ce projet est transmis avant signature à la personne pour qu’elle fasse ses remarques.
La signature de l’annexe intervient au cours d’un entretien avec le directeur de l’établissement au moins 15 jours après la réception du projet. La personne peut être accompagnée de la personne de confiance ou de son curateur. Le tuteur à la personne doit l’approuver. La personne peut refuser de la signer ou refuser certaines propositions.
En résumé, la personne de confiance accompagne la personne pour recevoir l’information, qu’elle bénéficie ou non d’une mesure de protection. Le curateur à la personne l’assiste, mais n’est pas décisionnaire. Seul le tuteur à la personne est décisionnaire si elle n’est pas capable de recevoir l’information par elle-même, à la seule fin de garantir le respect de sa volonté et de protéger le secret de son dossier médical.
Pour recevoir l’information, la place de l’aidant est reconnue en cas de diagnostic grave, en cas de soins quotidiens à prodiguer et après le décès, s’il est ayant-droit, pour connaître les causes de la mort, faire respecter la mémoire du défunt et faire valoir ses droits.
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