La responsabilité des aidants
Un précédent article a évoqué les devoirs et les obligations des aidants à l’égard de leurs proches vulnérables ; les aidants recevant le pouvoir d’agir selon la loi de la protection des majeurs. Recevoir un pouvoir impose une responsabilité. En ces périodes difficiles en raison du confinement indispensable pour se protéger et protéger les personnes vulnérables, comment concilier l’exigence de protection avec le secours affectif et matériel qui leur est dû ? En quoi les aidants engagent-ils leur responsabilité à l’égard de leur proche ? Que faire ou ne pas faire pour ne pas souffrir et faire souffrir de la situation qui est imposée, sur le plan moral comme administratif et financier ?
La responsabilité morale et affective
Saisi par le ministre des Solidarités et de la Santé, le Conseil consultatif national d’éthique – CCNE -, dans son avis du 30 mars 2020, est formel quant au fait que la loi d’urgence sanitaire ne prive pas le proche de son droit au maintien des liens affectifs et à la libre circulation.
La responsabilité du directeur d’établissement consiste à évaluer, avec l’équipe, dans une concertation au cas par cas, l’impact sur la santé de l’absence de tous les liens personnels.
Quel role jouent les aidants dans ce processus ?
Le CCNE rappelle qu’au regard de nombreux travaux qu’il a menés et dans le contexte actuel « les principes éthiques fondamentaux doivent être respectés. L’urgence sanitaire peut justifier que des mesures contraignantes soient, à titre exceptionnel et temporaire, exercées pour répondre à la nécessité d’assurer la meilleure protection possible de la population contre la pandémie, mais cette situation d’urgence ne saurait autoriser qu’il soit porté atteinte aux exigences fondamentales de l’accompagnement et du soin, au sein des l’établissements ou en structure hospitalière. »
Ce qui implique le droit au maintien d’un lien familial et social pour les personnes dépendantes, qu’elles soient ou non en fin de vie. Il est acquis que l’environnement familial et social est une condition essentielle de survie dont on ne peut priver les résidents sous peine de « provoquer une sérieuse altération de leur état de santé de façon irrémédiable et même enlever à certains le désir de vivre. » Sans oublier la souffrance des proches qui doit être prise en compte.
Concrètement, le CCNE recommande, si la situation le permet, le retour à domicile ou au domicile de l’aidant, avec un soutien approprié des professionnels et après un test de dépistage bien entendu. Le CCNE rappelle donc « l’impérieuse nécessité de faciliter la mise en place des tests de dépistage dans ces établissements et l’accès aux moyens de protection pour le personnel, comme pour les résidents ».
Il explique aussi comment les relations peuvent être maintenues dans les établissements. Un accueil pourrait être organisé pour les familles et les proches aidants, « parfaitement régulé et sécurisé avec les protections qui s’imposent », par l’utilisation contrôlée de locaux disponibles et d’espaces extérieurs ou de loisirs, recours aux nouvelles technologies de communication numérique, etc. dans le respect des règles générales de prévention.
Les moyens rapides doivent être mis en place « afin que les soins de base (se nourrir, se laver, se déplacer) soient toujours assurés, par la présence de volontaires bénévoles » et par les proches aidants qui étaient avant le confinement les suppléants au manque de moyens pour certains soins, l’alimentation, etc. par application du contrat individuel de soins.
Pour les grands dépendants pour qui le toucher, le regard sont les seuls moyens de conserver le goût de vivre, même s’ils ne sont pas en fin de vie, la présence des proches fait partie du soin et doit être maintenue.
Le CCNE est formel et rappelle l’indispensable concertation qui fait partie du règlement de fonctionnement des établissements.
« Tout renforcement ou adaptation des mesures de confinement doivent ainsi être décidés par le médecin coordonnateur et le directeur de l’établissement, en lien avec l’Agence régionale de santé – ARS – dont ils dépendent ». Cette adaptation doit être faite « en toute transparence, avec les représentants des professionnels de santé, des personnels et bénévoles des établissements, des usagers et de leurs familles et des proches aidants ».
En utilisant leur pouvoir de direction, en concertation avec les proches aidants, les directeurs ne sauraient engager leur responsabilité. Il n’y a pas de conflit entre la responsabilité de l’entourage et celle de la direction, nous rappelle le CCNE, sous réserve de l’établissement de solutions concertées au cas par cas.
Il est de la responsabilité de l’aidant nommé « personne de confiance » de participer à la mise en place des mesures qui permettront à son proche de recevoir l’aide affective et matérielle nécessaire à sa survie et à son confort, dans le cadre de l’annexe au contrat de séjour qui doit être aménagée.
Les agences régionales de santé – ARS – sont chargées d’y veiller et de donner les moyens matériels nécessaires qui ne sauraient tarder maintenant.
La responsabilité administrative et financiere
Le gestionnaire des affaires, qu’il soit de fait ou nommé par le juge, devra un jour rendre des comptes : à la personne elle-même ou à ses héritiers. Il est responsable des actes qu’il commet. Toute omission, faute, ou négligence lui sera reprochée et susceptible d’engager sa responsabilité.
Il doit des soins prudents, diligents et avisés. On disait auparavant une gestion de « bon père de famille » comme on le ferait pour soi-même. Cependant à notre époque où la technicité des processus pose un problème, où les publicités sont alléchantes et les arnaques nombreuses, la prudence est difficile parfois à s’exercer. Il y a lieu de s’entourer alors d’un professionnel compétent : la lecture d’un contrat compliqué avant de le signer, suspendre un crédit, mesurer les conséquences d’une demande de surendettement, ont parfois des solutions qui méritent consultation préalable auprès d’un avocat ou d’un notaire. Une consultation préalable coûtera toujours moins cher qu’un procès. Il ne sera pas reproché au mandataire d’avoir fait appel à un professionnel qualifié.
La diligence implique le respect des délais. Ne pas manquer la date des déclarations fiscales et le paiement des impôts, répondre à une mise en demeure, solliciter un remboursement, la résiliation d’un contrat, etc. nécessitent une vigilance certaine.
Être avisé, c’est aussi faire appel à des professionnels qualifiés que ce soit sur le plan administratif pour l’obtention des aides sociales ou pour la gestion de l’épargne et du patrimoine. À chacun sa compétence.
Quelles sont les sanctions ? On peut se tromper de bonne foi, mais il a lieu d’être prudent même si l’aidant bénévole sera moins sanctionné qu’un professionnel. Les mandataires nommés par le juge voient leurs comptes contrôlés par le greffier en chef.
C’est une contrainte, mais elle est protectrice, car le contrôle du juge « purge » les comptes des fautes mineures qui pourront être réparées. Parfois, le juge nomme une association spécialisée afin d’examen des comptes. Le contrôle est plus approfondi lorsque le patrimoine à gérer est important et aboutit à un rapport remis au juge.
Il est prudent d’assurer la responsabilité civile que l’on engage à l’égard de la personne dont on s’occupe, que ce soit dans le cadre d’une gestion amiable ou judiciaire. Il suffit de signaler cette mission à son assureur qui, moyennant une prime peu importante, garantira le mandataire si un sinistre survient.
À cet égard, il faut rappeler que la personne protégée est responsable personnellement de ses actes. Il ne faut pas oublier d’assurer son logement, sa responsabilité civile à l’égard des tiers, sa protection personnelle et juridique… car son mandataire engagerait sa propre responsabilité de ne pas avoir assuré celle de la personne dont il s’occupe en cas de sinistre générant un préjudice.
Ainsi, en prenant ces précautions, l’aidant non seulement aura fait son devoir, mais il l’aura fait en toute sécurité, sans engager sa responsabilité et sans causer préjudice.
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