Le recueil du consentement de la personne ou comment lui poser les bonnes questions

Le recueil du consentement de la personne ou comment lui poser les bonnes questions


Le droit de la protection des majeurs impose l’audition de la personne, afin d’assurer le respect de sa liberté, de sa dignité, de sa sécurité et la garantie de son autonomie selon ses besoins tels qu’elle les exprime.

Dans le code civil, la protection des majeurs prévoit un droit dérogatoire donnant pouvoir au médecin certificateur de décider si la personne peut être entendue ou non, afin que le défaut d’audition soit ordonné par le juge, dans une décision formelle. 

Le juge n’est d’ailleurs pas tenu par les conclusions du certificat médical sur ce point, mais bien souvent sa charge de travail et le temps qu’il peut consacrer à chaque affaire ont pour conséquence que les conclusions du certificat médical s’imposent.

Or, ce certificat est souvent délivré à un moment où la personne se trouve dans une situation médicale grave. Pourtant, par la suite grâce aux soins, son état peut s’améliorer sans que le juge n’en tienne compte au moment où il statue.

Le certificat médical circonstancié répond, de façon formelle, aux exigences de l’article 6 de la Convention européenne des droits humains sur la nécessité de la mesure. En revanche, il n’a pas pour objet le recueil du consentement de la personne, c’est à dire l’expression de ses souhaits, garantissant que la mesure décidée soit réellement proportionnée à ses besoins pour son bien-être et soit réellement individualisée.

Quel doit être le rôle des aidants pour assurer une protection judiciaire adaptée ? Comment les aidants peuvent obtenir du juge une réelle individualisation de la mesure afin de tenir compte réellement du consentement de la personne après qu’elle a été réellement entendue ?


Quelle est la législation applicable en la matière ?

Pour qu’un procès soit considéré comme équitable par l’article 6 de la Convention européenne des droits humains, toute personne doit savoir ce qui lui est opposé par un juge et bénéficier de l’assistance d’un défenseur.

De plus, ce droit de la protection des majeurs doit respecter les autres conventions internationales, européennes et mondiales comme :

L’article 12 et 13 de la convention de l’ONU sur le handicap 

L’article 12 de la convention de l’ONU sur le handicap qui s’applique aux personnes âgées, dans la mesure où elles sont protégées en fonction de leur état de santé : Reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité. 

Cette reconnaissance est obligatoire en tous lieux, dans tous les domaines pour garantir l’égalité. Les personnes handicapées jouissent de la capacité juridique dans tous les domaines, sur la base de l’égalité avec les autres. 

Elles doivent recevoir des États l’assistance nécessaire pour assurer leur protection juridique.

Article 13 : Accès à la justice

Les personnes handicapées ont le droit à l’accès effectif à la justice, sur la base de l’égalité avec les autres, y compris par le biais d’aménagements procéduraux et d’aménagements en fonction de l’âge.

Les articles 1 à 13 de la Convention bioéthique du 4 avril 1977 sur le consentement 

Ces articles donnent un sens concret à ces obligations, et notamment :
Primauté de l’être humain sur la société : L’intérêt et le bien de l’être humain doivent prévaloir sur le seul intérêt de la société ou de la
science
.

La personne concernée doit dans la mesure du possible être associée à la procédure
d’autorisation.
Les souhaits précédemment exprimés au sujet d’une intervention médicale par un patient qui, au moment de l’intervention, n’est pas en état d’exprimer sa volonté seront pris en compte.

Ces Conventions signées et ratifiées par la France s’imposent à tous les juges. Les exceptions doivent être proportionnées au respect de l’intérêt de la personne, en relation avec l’ordre public. Ce qui signifie que l’ordre public ne doit pas primer sur la volonté, l’intérêt et le bien-être de la personne et l’ordre public ne doit pas être confondu avec la tranquillité des professionnels intervenants.


Comment s’assurer que certificat médical à propos du critère de nécessité soit sans lacunes ? 


Toujours répondre à une visite du médecin certificateur

Il peut arriver que la visite du médecin certificateur ne soit pas annoncée, ou présentée parfois de façon brutale ou choquante, sans aucune préparation. Cependant, il est recommandé de toujours y répondre.

En effet, fuir, refuser de répondre, ou faire semblant de ne pas comprendre, risque de conduire le médecin certificateur à considérer que la protection est nécessaire, puisqu’il constate que la personne est incapable de participer à la gestion de ses propres affaires. Autre risque, il pourrait considérer que la personne, en raison d’un déni de sa pathologie, soit considérée comme non auditionnable et attester qu’en raison de ce déni l’audition de la personne ne soit pas « productive », selon la formule classique que l’on trouve dans beaucoup de certificats.

La procédure de protection partirait alors sur des bases malsaines. 


Montrer son ouverture à la coopération pour la gestion de ses affaires

Le certificat médical circonstancié doit mesurer le degré d’incapacité de la personne, grâce au passage d’un certain nombre de tests, qu’il ne faut pas craindre. Répondre à ces tests au mieux va permettre une mesure plus fine des éventuelles déficiences cognitives de la personne âgée. 

Le médecin certificateur doit décider si la personne bénéficiera d’une simple assistance, comme la curatelle, qui sera renforcée si elle préfère laisser assurer la gestion par un tiers. 

C’est souvent le cas, en raison d’une fatigue bien compréhensible Sinon, ce sera une représentation par le prononcé d’une tutelle. Dans tous les cas, répondre aux tests et aux questions montrera que la personne pourra être entendue par le juge et pourra collaborer en donnant son avis sur la gestion de ses affaires, permettant ainsi de limiter la mesure à une curatelle, voire même d’aboutir à un certificat de non-lieu à protection.

Pour que le certificat médical ne comporte pas de lacunes, la personne devra y collaborer pour montrer qu’elle est ouverte à la coopération pour la gestion de ses affaires. Elle pourra aussi donner son consentement sur le choix de la personne qui exercera la mesure. C’est un choix essentiel pour que la protection se passe bien et soit réellement adaptée à ses besoins en donnant toute leur place aux aidants.


Comment permettre une réelle individualisation de la mesure ?

Le certificat médical doit être réellement circonstancié et non pas se prononcer de façon binaire et stéréotypée sur le degré de protection, assistance ou représentation et sur la capacité de la personne à être entendue ou non.

Sur ce dernier point, les aidants sont parfois en désaccord avec les conclusions du certificat. Leur proche leur paraît parfaitement apte à s’exprimer. Mais il s’agit souvent d’une expression non verbale qui nécessite l’installation d’un lien de communication qui prend du temps, que les juges n’ont pas.

C’est pourquoi il faut veiller à ce que, dès le début de la procédure, les bonnes questions soient posées par le juge. Pour ce faire, plusieurs conditions sont nécessaires.

  • Que le certificat médical soit réellement circonstancié, c’est-à-dire que le médecin ait vu la personne dans son environnement et ait reçu toute explication sur les circonstances de la perte d’autonomie juridique, à ne pas confondre avec la perte d’autonomie motrice et les limites de l’expression ;
  • Que la requête au juge soit bien structurée, c’est-à-dire qu’elle formule des propositions argumentées par des documents et témoignages à propos du besoin de protection de la personne, en fonction de sa volonté et présente des propositions pour la gestion de ses affaires dans le futur ;
  • L’organisation d’une médiation peut permettre à chacun de faire valoir son point de vue ;
  • Une demande de contrexpertise est possible ;
  • Et surtout, car c’est un droit absolu pour que le procès soit équitable, le nécessaire doit être fait pour que le proche soit assisté d’un avocat personnel. 


Cet avocat devra être différent de l’avocat du requérant et des autres parties pour que son indépendance ne soit pas mise en cause. Les aidants et l’entourage ne doivent pas chercher à faire pression sur lui, car il n’est pas chargé de leur intérêt personnel. Il saura exprimer la volonté de la personne et son degré de consentement. Il saura aussi proposer des mesures adaptées pour répondre exactement à ses besoins tels qu’elle les exprime.


Quelles sont les bonnes questions auxquelles la mesure de protection va devoir répondre ?

  • La personne est-elle apte à choisir son lieu de vie ? 
  • Comment apprécie-t-elle son lieu de vie ?
  • A qui fait-elle confiance pour s’occuper d’elle ?
  • Est-elle apte à éliminer de son entourage des tiers nocifs pour elle ? 
  • Peut-elle consentir à ses soins médicaux ? 
  • Qui l’accompagne comme personne de confiance pour les soins et l’hébergement ?
  • A qui fait-elle confiance pour la décharger de la gestion de ses affaires ?


Les questions peuvent être plus précises s’agissant de l’affectation des ressources de la personne à la gestion de sa vie personnelle :

  • En quoi consistent ses revenus ? 
  • Sont-ils suffisants pour financer ses besoins ? 
  • Son patrimoine est-il grevé de dettes ? 
  • Sera-t-il nécessaire d’en disposer pour assurer son entretien ? 
  • Quel mandataire sera compétent pour faire face à la gestion ? 
  • Y a-t-il des questions de succession ou de gestion du patrimoine à envisager ? 
  • Comment va fonctionner le régime matrimonial ? 
  • Comment seront gérés les fonds et les biens situés à l’étranger ?
  • Sera-t-il nécessaire d’engager des actions pénales en abus de faiblesse ?
  • Est-elle d’accord pour vendre sa maison ?

Ces questions permettent d’aller au-delà de la simple mesure des troubles cognitifs de la personne âgée, assortis parfois de troubles psychiques, afin de déterminer quel est son degré de dépendance affective à l’égard de la personne qui abuse de son état de faiblesse.

En effet, il est difficile de mesurer si la dépendance affective est bénéfique ou nocive pour la personne. Seule la qualité de ses réponses peut faire le partage et d’évaluer si sa volonté est réellement respectée, si elle a agi en connaissance de cause ou bien si elle a conscience ou non d’avoir pris des décisions au profit d’un tiers qui lui causent préjudice. Elle est souvent dans le déni, a honte de reconnaître que sa confiance a pu être trompée. Il faudra faire preuve à son égard de délicatesse en tenant compte de son amour propre.


En quoi le rôle des aidants est essentiel dans la démarche ?

Le rôle des aidants est essentiel lors de plusieurs étapes de la démarche

  • Bien présenter les enjeux au médecin certificateur : lorsqu’ils sont requérants, c’est aux aidants de bien présenter les enjeux de la protection sollicitée au médecin certificateur pour que son certificat soit le plus circonstancié possible ;
  • Veiller à ce que la requête soit très bien motivée avec pièces à l’appui pour que le juge sache quelles sont les difficultés à envisager pour prendre la bonne décision ;
  • Veiller à ce que la personne soit à l’audience. Il se passe des choses à l’audience sur le comportement de chacun à l’égard de la personne. Sa réaction ou son absence de réaction sont très éclairantes ; surtout, elle peut exprimer son incompréhension de la situation qui lui est faite ;la loi impose au juge d’examiner si les mesures prises du temps de la capacité sont toujours conformes à ses besoins. Il a l’obligation de les maintenir si c’est le cas.

Les aidants doivent être très clairs et précis sur tous ces sujets afin que le juge de la protection des majeurs statue dans l’intérêt bien compris de la personne pour assurer son bien-être.

Prendre le temps de mesurer le degré de consentement de la personne et de recueillir l’expression de ses besoins dès le début de la procédure permettra de gagner beaucoup de temps, d’éviter bien des rancœurs et des souffrances, ou des recours interminables.

Ainsi, il est essentiel pour les aidants de veiller au recueil du consentement, ou, simplement, au recueil de l’adhésion de la personne à la mesure qui sera prononcée, en sorte qu’elle réponde clairement et précisément aux bonnes questions qui doivent être posées, pour lui assurer la garantie d’une protection bien individualisée et proportionnée à ses besoins.

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