L’isolement d’une personne et l’intervention des tiers
De nombreux aidants constatent l’isolement d’une personne de leur entourage et interviennent pour compenser les effets de cet isolement. Ce sont les tiers qui ne sont pas conjoints, mariés, pacsés ou concubins cohabitants, ascendants, descendants ou membres de la famille d’une personne. Ces tiers interviennent cependant et s’interrogent sur leurs droits, leurs obligations et leur responsabilité dans le cadre de leur intervention spontanée au profit d’une personne vulnérable isolée.
L’obligation d’intervenir
Selon le code civil, toute personne qui s’intéresse à une personne isolée, en lui faisant ses courses, ses déclarations fiscales, en remplissant ses dossiers administratifs, en étant en contact avec les services sociaux, communiquant avec les médecins et les auxiliaires de vie, en lui faisant participer aux repas de famille ou même l’emmenant en vacances, correspond à la définition du tiers qui s’intéresse à la personne.
La loi précise que la protection des personnes dépendantes, soit en raison de la maladie, d’un accident ou d’un handicap, est un devoir des familles et de la collectivité publique.
Le mandat et la gestion d’affaire
L’intervention du tiers qui se porte tout naturellement aidant d’une personne isolée n’est pas en dehors du droit. Le code civil prévoit les règles du mandat, c’est-à-dire la mission de s’occuper d’elle que la personne, le mandant, a donnée à un tiers, le mandataire. Ce mandat peut être « tacite » c’est-à-dire être mis en pratique de façon informelle, sans opposition du mandant par l’intervention de fait à ses côtés.
Une autre notion juridique intervient : la gestion d’affaire qui est le corollaire du mandat.
« Ceux qui ont qualité pour demander l’ouverture d’une curatelle ou d’une tutelle sont tenus d’accomplir les actes conservatoires indispensables à la préservation du patrimoine de la personne protégée dès lors qu’ils ont connaissance tant de leur urgence que de l’ouverture de la mesure de sauvegarde. »
Ainsi, tout aidant qui s’intéresse à la personne en difficulté a l’obligation d’agir pour préserver ses intérêts, notamment financiers.
Les obligations du mandataire et du gestionnaire d’affaire
Le mandataire comme le gestionnaire sont tenus d’apporter à la gestion des affaires tous les soins d’une personne raisonnable, ni plus ni moins. Dans le cadre du mandat, il doit agir comme il le ferait pour lui-même et apporter à la gestion des soins prudents, diligents et avisés.
Il est prudent d’obtenir un accord écrit de la personne aidée afin qu’il n’y ait pas de difficulté pour prouver qu’elle a volontairement délégué ses pouvoirs. Plus tôt ce document sera rédigé avant l’intervention du tiers, plus il aura de valeur juridique. Sauf si la gestion est complexe et touche au patrimoine, il est préférable qu’il soit rédigé par un professionnel du droit, par acte d’avocat ou devant un notaire, par acte notarié. Il sera correctement daté et enregistré, et fera foi de la réalité de la volonté de la personne concernée.
Mais le mandataire comme le gestionnaire d’affaire doit rendre des comptes à la fin de son mandat et de sa mission. Il devra prouver que sa gestion a bien été effectuée dans l’intérêt de la personne dont il s’est occupé. Il doit tenir une comptabilité précise et conserver tous les justificatifs des dépenses.
Cette justification est très importante du vivant de la personne pour ne pas être soupçonné d’abus de faiblesse, puis, après son décès, pour éviter toute difficulté qui serait soulevée par les héritiers.
Le signalement
S’il n’a pas la possibilité d’intervenir directement, le tiers aidant est dans l’obligation de faire un signalement lorsqu’il constate l’isolement de la personne ou sa mise en danger par elle-même, comme celle qui refuse de se soigner ou d’ouvrir la porte aux aides-soignantes, ou par abus de faiblesse émanant d’un tiers.
Cette obligation permet aussi de signaler tout dysfonctionnement dans l’exécution d’une habilitation familiale ou d’un mandat de protection future.
Le signalement peut être fait auprès des services sociaux ou par une lettre au procureur de la République du lieu de résidence habituelle de la personne isolée en danger.
Pour être efficace, elle devra être précise et circonstanciée, si possibles avec preuves à l’appui par certificat médical du médecin traitant, documents, attestations, et surtout déclaration de la personne elle-même qui sera entendue.
Plus elle sera complète, plus le procureur de la République pourra saisir rapidement le juge de la protection des majeurs et organiser la protection de la personne par un professionnel, mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MPJP) qu’il désignera.
Les conséquences du signalement
Le tiers aidant pourra participer à la procédure s’il se présente comme le tiers qui s’occupe exclusivement de la personne, en démontrant qu’il a sa confiance de longue date et qu’il peut justifier avoir toujours géré ses affaires dans son intérêt.
Lorsqu’il signale des dysfonctionnements familiaux, d’abuseurs ou de professionnels, le tiers aidant peut subir des menaces de poursuites pour dénonciation calomnieuse, pour harcèlement, voire pour ingérence.
Il faut savoir que l’ingérence ne constitue pas un délit. Comme indiqué, tout citoyen a l’obligation de signaler une personne qui serait en difficulté de son point de vue. Sinon, son abstention constituerait au contraire un délit de non-assistance à personne en danger.
Une personne qui signale de bonne foi un danger dont autrui serait victime ne peut être poursuivie, même si elle s’est trompée sur la réalité du danger.
Elle n’a donc rien à craindre et doit se soumettre de bonne grâce au contrôle que le juge exercera sur son action. C’est désagréable, mais le juge et le procureur de la République, gardiens des libertés individuelles et garants du respect de la loi, ont l’obligation d’effectuer cette vérification.
Si le tiers aidant justifie que c’est bien lui qui a pris en charge les intérêts d’une personne seule, de manière sérieuse et efficace, il pourra demander à recevoir du juge les pouvoirs de curateur ou tuteur et verra ainsi son mandat tacite et sa gestion d’affaires authentifiés et prolongés.
Si son mandat tacite était remis en cause, le mandataire pourrait faire valoir à tout contestataire et notamment aux héritiers potentiels, qu’il leur fait économiser beaucoup d’argent en compensant bénévolement leurs carences auprès de la personne abandonnée et qu’il serait plus correct de l’en remercier.
Il faut savoir aussi que la loi ne prévoit pas d’engager la responsabilité d’un tiers aidant spontané en raison d’une erreur qu’il aurait commise dans le cadre d’une administration bénévole des affaires d’une personne dans le besoin et qui se serait trompé. Sa responsabilité ne serait mise en cause que si l’erreur était volontaire dans le but de commettre une tromperie.
Le cas particulier de l’aide à la personne
Il arrive souvent que le tiers aidant spontané entre dans l’intimité de la personne, notamment pour l’accompagner lors de ses soins médicaux ou lors des relations avec les services à domicile ou en EHPAD. Il doit se faire reconnaître comme personne de confiance, soit par un document écrit de la personne aidée, si cela lui est encore possible, soit par des comptes-rendus et de mentions dans le dossier médical. Par exemple, faire mentionner que la personne est venue accompagnée par lui et qu’elle a accepté sa participation à l’entretien.
La loi et les règlements permettent à tous d’exercer leur devoir de citoyen, pour une société plus humaine et plus inclusive au bénéfice des personnes dépendantes isolées.
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