Maltraitance : quelles sont les obligations du médecin ?
Le médecin est souvent le seul professionnel à entrer au domicile d’une personne âgée. Dans ce cadre, il peut être le témoin privilégié de maltraitance envers cette personne.
Quelles sont ses obligations juridiques dans la prévention de la maltraitance, qu’elle soit physique ou psychologique, dans une relation d’abus de pouvoir sur la personne ou d’accaparement de ses ressources ou de son patrimoine ?
Quel médecin est concerné ?
Le spécialiste reçoit principalement la personne à son cabinet ou à l’hôpital. Il est ainsi plus indépendant par rapport aux proches maltraitants car il voit son patient hors de son domicile, qui est souvent le lieu de l’enfermement. C’est pourquoi il lui est plus facile de le protéger en organisant son retrait du domicile afin de rompre son isolement. Il lui faut seulement l’accord de la personne. Mais, bien soignée et éloignée du maltraitant, il lui sera plus facile de consentir à sa protection. En organisant par exemple son retour loin du maltraitant, chez un autre membre de la famille, ou en établissement.
La situation du médecin généraliste est plus délicate : il doit soigner, prévenir et signaler la maltraitance, alors qu’il est tenu au secret médical.
Le médecin a l’obligation de veiller au respect absolu de ses prescriptions. Celles-ci doivent être conformes aux données acquises de la science. Notamment il doit veiller à ce que sa prescription soit exécutée correctement. Pour ce faire, il doit s’appuyer sur le proche aidant et veiller personnellement à ce que l’aidant soit efficace en la matière. Il n’est pas toujours besoin d’une infirmière diplômée d’état, mais il doit prescrire son passage en cas de besoin.
La sur-médication est tout aussi non conforme aux règles de déontologie médicale que l’absence de prescription. Les données acquises de la science et les prescriptions de l’OMS visent à réduire les prescriptions pour les personnes âgées afin de privilégier les règles d’hygiène de vie, de mise en place de stimulations plutôt que la multiplication des prescriptions. Des services spécialisés en hôpital procèdent désormais à la vérification de la combinaison des prescriptions par les différents spécialistes, cardiologue, neurologue, diabétologue, et autres.
Mais le médecin généraliste référent pour la Sécurité Sociale joue le rôle essentiel dans la coordination des prescriptions. C’est à lui de faire appel au spécialiste lorsqu’il constate que la personne refuse un soin qui lui serait nécessaire ou de vérifier auprès de lui que sa prescription n’interfère pas avec celle d’un autre. Il n’a pas à être complaisant ni à l’égard de son patient ni à l’égard de l’entourage et encore moins à l’égard de ses confrères.
Peu de médecins respectent ces principes sous prétexte du maintien du lien thérapeutique et deviennent ainsi complices de la maltraitance.
Quelles sont les obligations du médecin lorsqu’il constate de la maltraitance ?
Le médecin qui se trouve en présence d’un malade ou blessé en péril doit lui apporter les soins nécessaires. Il a également l’obligation de prévenir la maltraitance. Il ne peut, par sa seule présence, favoriser ou cautionner une atteinte à l’intégrité physique ou mentale ou à la dignité de la personne. S’il constate que cette personne a subi des sévices ou des mauvais traitements, il doit même sans l’accord de la personne vulnérable en raison de son âge, en informer l’autorité judiciaire, c’est-à-dire le procureur de la République.
Contrairement aux idées reçues, cette obligation de prévention et de signalement à l’autorité judiciaire n’est pas en contradiction avec l’obligation de respecter le secret professionnel.
Le médecin a l’obligation absolue et définitive de tenir secret tout ce qui est venu à sa connaissance dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris.
Ainsi ce secret est très large, puisqu’il porte sur ce que le médecin non seulement a reçu en confidence dans le cadre du soin, mais aussi ce qu’il a pu comprendre d’une situation et notamment dans la relation avec les proches.
Comment agir sans violer le secret médical ?
Le médecin est donc le principal témoin mais est tenu au secret. Or, il a parallèlement, l’obligation de soigner lorsqu’il y a urgence et s’il y a danger.
Que doit-il faire ? En conscience, il doit privilégier le soin et ce n’est qu’en cas de péril et d’impuissance à soigner qu’il doit faire intervenir l’autorité judiciaire. S’il le fait, il ne peut être poursuivi pour violation du secret médical.
Le secret médical n’est pas opposable dans les cas où la loi impose la révélation du secret. Ainsi, le médecin traitant doit établir un certificat qui décrit l’état de son patient pour le remettre à celui des proches qui sera apte à en faire état pour assurer la protection de la personne.
Par ce certificat, il lui est demandé de dépeindre objectivement l’état physique et psychique de son patient. Ce certificat constitue déjà l’élément essentiel de la prévention et du signalement, en conformité avec le secret professionnel. Il est remis à la personne pour qu’elle en fasse l’usage qu’elle décidera.
Avec ce certificat le médecin collaborera utilement pour assurer la mise hors danger de la personne victime d’abus de faiblesse, d’isolement, etc. Si la personne ne peut agir par elle-même, il pourra le remettre à la personne de confiance. Ainsi le proche aidant sera en mesure d’agir auprès des autorités judiciaires.
Mais il peut, et même a l’obligation d’aller plus loin, notamment, si la personne, par faiblesse ou par crainte du maltraitant ne veut agir elle-même ou confier à un proche le soin d’agir pour elle.
Car le secret professionnel n’est pas punissable pour le médecin ou tout autre professionnel de santé qui,
- avec l’accord de la victime,
- porte à la connaissance du procureur de la République ou de la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes qui va bientôt être mise en place dans chaque département et pour l’instant au 3877,
- du danger ou du risque de danger,
- les sévices ou privations qu’il a constatés,
- sur le plan physique ou psychique, dans l’exercice de sa profession
- et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises.
Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n’est pas nécessaire. L’âge est ainsi un critère fréquent de vulnérabilité. L’accord de la personne affaiblie par l’âge et la maladie n’est donc pas obligatoire.
La position du médecin est délicate, car souvent le maltraitant est atteint d’un trouble psychique difficilement maîtrisable et peut avoir des réactions dangereuses. Il doit aussi tenir compte du lien d’affection qui existe entre le maltraitant et la personne maltraitée.
Le signalement aux autorités compétentes est ainsi permise par la loi au médecin qui a un rôle essentiel dans la prévention et le signalement de la maltraitance. Il ne peut faire l’objet de sanctions civiles, pénales ou disciplinaires s’il a pris l’initiative, et en conscience et de bonne foi, de signaler ou aider au signalement de la maltraitance.
Le proche aidant peut ainsi obtenir en collaboration avec le médecin traitant tout élément de prévention et de signalement de la maltraitance. C’est une obligation pour le médecin qui doit agir dans un but de prévention et de signalement, plus particulièrement par la délivrance du certificat médical qui permettra au proche aidant d’agir.
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