Partie 2 – Comment protéger son proche âgé des sectes ?
Après avoir vu comment les sectes agissent pour créer une emprise sur nos proches âgés et avoir abordé les solutions psychologiques, abordons maintenant les solutions juridiques existantes face à ce danger.
Organiser un éloignement juridique pour protéger la personne âgée
À titre préventif, il faut agir dès qu’un élément de vulnérabilité apparaît : hospitalisation, veuvage ou autre.
Il est bon de se faire donner procuration, en tant que proche aidant, sur les comptes bancaires afin d’avoir une surveillance des dépenses et devenir l’interlocuteur direct du banquier qui pourra ainsi alerter l’aidant. A défaut, il sera contraint de faire un signalement au procureur de la République.
Se faire donner un mandat de gestion générale tacite ou express par devant notaire ou avocat, aider son proche âgé à gérer ses auxiliaires de vie, pour les connaître et évaluer leur travail, remplir les dossiers administratifs, les déclarations fiscales, participer aux pointages bancaires, obtenir les codes. Autant d’actions à mettre en œuvre afin de pouvoir observer la plus grande vigilance lorsque la personne âgée semble être sous l’emprise d’une secte.
Le mandat de protection future pour appuyer le rôle de l’aidant
Cette gestion générale doit être officielle en se faisant consentir un mandat de protection future pour pouvoir intervenir en cas de besoin. Celui-ci pourra être mis en œuvre en cas de nécessité. Le mandat de gestion et le mandat de protection future ont pour avantage de donner une indication au juge pour le choix de la personne qu’il désignera en cas de tutelle ou de curatelle. Ces mandats lui rappellent à qui la victime a donné sa confiance avant d’être sous emprise.
À titre curatif, la difficulté est importante car lorsque l’aidant s’aperçoit de la relation d’emprise dont son proche est victime il est très tard. Il est illusoire d’obtenir sa collaboration. S’engage alors un combat de « contre-influence » à mener avec précaution pour ne pas rompre les liens affectifs et conserver son rôle de soutien et d’accompagnement.
Il est alors possible pour l’aidant d’engager une mesure de protection : la difficulté sera d’obtenir le certificat médical circonstancié qui permettra d’activer le mandat de protection future ou d’obtenir une tutelle ou curatelle. Cependant, le médecin inscrit sur la liste du procureur de la République pourra constater les circonstances qui l’empêchent d’entrer en contact avec la victime, comme les ordres donnés par un tiers qui parle à la place de la personne. Il pourra qualifier l’isolement, voire même parfois, l’enlèvement. Il pourra décrire le mécanisme de dépendance. Dans les normes officielles de définition des troubles psychiatriques, la dépendance affective à autrui est répertoriée comme étant de même nature que la dépendance aux toxiques ou aux jeux.
Le dossier sera complété par les éléments financiers mais qui seront d’autant plus difficiles à obtenir, qu’il sera impossible d’entrer au domicile s’il n’y a pas de procuration ou de mandat de gestion.
Par ailleurs, si l’on a des doutes sur une auxiliaire de vie, un professionnel, il est indispensable d’alerter ses employeurs ou les ordres professionnels, évidemment de manière précise et circonstanciée. Le site Internet MIVILUDE donne des informations, des recommandations et recueille les témoignages. En cas d’influence d’un professionnel, il est indispensable de rencontrer le directeur de l’établissement ou du service afin qu’il fasse une enquête.
La prise de contact avec le banquier du proche âgé sous emprise d’une secte est nécessaire afin qu’il prenne des mesures de protection : si des fonds ont été payés à l’étranger, il doit faire une déclaration à TRACFIN, le service de lutte contre le blanchiment d’argent. Cette démarche permettra de justifier de l’urgence pour l’activation d’un mandat de protection future ou de déposer une requête au juge des tutelles.
Le notaire de famille doit, lui aussi, être alerté, avec une difficulté certaine, car le nouveau testament ou acte juridique sera effectué chez un autre notaire inconnu, ce dont on s’aperçoit au moment de l’ouverture de la succession.
Une plainte pour abus de faiblesse doit également être déposée. N’importe quel tiers, proche ou professionnel, peut et même doit, faire état de la situation par un signalement au procureur de la République. Ce signalement complet pourra mener à une véritable enquête de police. L’obligation de signalement est un devoir citoyen. Les lanceurs d’alerte ne peuvent être sanctionnés, même s’ils se sont trompés, à condition d’être de bonne foi.
De manière générale, il faut savoir, lorsque l’abuseur voit les ressources financières de sa victime être contrôlées, qu’il s’en va et change de proie. Ce mécanisme est fréquent avec les abuseurs individuels, mais plus difficile avec les sectes qui sont mieux organisées et moins visibles.
Ainsi qu’il vient d’être démontré, les mesures réparatrices sont très difficiles à mettre en œuvre. Il est d’autant plus important de prévoir ces mesures, dont la procuration bancaire et le mandat de protection future sont les plus efficaces.
La meilleure façon de protéger la personne âgée des sectes ou des abuseurs individuels, qui utilisent les mêmes méthodes, est de renforcer les liens entre les aidants et leurs proches, ce qui leur permettra d’intervenir en cas de nécessité. Il est de leur devoir de se faire donner pouvoir d’intervenir en cas de besoin, grâce à des procurations bancaires et un mandat de protection future rédigés quand tout va bien. Si la vie a causé un éloignement, c’est le moment de rétablir les liens.
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