La place du juge des tutelles dans les soins médicaux

La place du juge des tutelles dans les soins médicaux

Pour les aidants, il est difficile d’imager en quoi le juge des tutelles peut intervenir dans les soins médicaux de leur proche. La personne protégée est prise en charge par le médecin traitant, parfois un spécialiste et tout un environnement d’infirmiers, de kinésithérapeutes, d’orthophonistes. Le juge a-t’il pour mission de décider des soins médicaux ? Concernant les personnes protégées, le code civil interfère avec le code de la santé publique et le code de déontologie des professions médicales qui en fait partie.

Que disent le code civil et le code de la santé ?

Pour la protection de la personne qui s’applique à tout majeur protégé en tutelle, curatelle, habilitation familiale ou mandat de protection future, le code civil prévoit que le juge ne peut déroger aux règles du droit commun que constituent le code de la santé publique et le code de l’action sociale et des familles.

Le code civil est clair : la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet, ceci qu’elle soit sous n’importe quel régime de protection et notamment sous tutelle.

Le code de la santé publique est tout aussi clair : seule la personne sous tutelle a besoin du consentement de son protecteur pour les soins médicaux. Il est de la responsabilité du médecin de recueillir et de respecter le consentement de la personne. En cas d’impossibilité de recueillir le consentement ou d’urgence, le médecin a l’obligation d’agir.

En effet, en matière de protection de la personne et plus particulièrement pour le consentement aux soins, le code de la santé publique prévoit que le consentement de la personne doit être recherché dans tous les cas.

En quoi consiste la mission du tuteur à la personne dans les soins médicaux ?

Dans la pratique, il a pour mission de donner les autorisations administratives pour l’hospitalisation et les interventions chirurgicales.

Le juge des tutelles ne doit intervenir que s’il y a conflit entre la personne protégée et son protecteur. Le juge a pour mission de veiller à ce que le tuteur respecte le consentement de la personne protégée. Il faut pourtant admettre que cette mission est rarement assumée. Les juges n’osent pas aller contre un avis médical qui prime sur toute autre considération.

Le code civil prévoit que, lorsque la personne est sous la tutelle d’un préposé de l’hôpital où elle se trouve, il risque y avoir conflit d’intérêts. Le mandataire risque de manquer d’indépendance. Le juge des tutelles doit nommer un tuteur ad hoc pour prendre la décision médicale.

Ceci était vrai pour les hospitalisations en psychiatrie. Mais depuis la loi de 2010, les hospitalisations psychiatriques sans consentement sont bien encadrées par le code de la santé publique et contrôlés par le juge des libertés et de la détention. Le tuteur ou le curateur peut être le tiers qui sollicite une hospitalisation psychiatrique. On applique alors directement le code de la santé publique à la personne protégée.

De même, les règles concernant la fin de vie sont bien établies. Le rôle des directives anticipées et de la personne de confiance sont connues et appliquées, y compris pour les personnes protégées. La décision collégiale est mise en place. Le tuteur est informé et le juge aussi, car il s’agit d’une décision grave. Mais on ne voit pas le juge des tutelles s’opposer à la décision collégiale. La procédure de contestation de la décision collégiale relève de la juridiction administrative et non du juge des tutelles.

La règlementation des expérimentations prévoit aussi des d’autorisations spécifiques.

Pour le reste, le code civil est confus et peut paraître superflu en ce qu’il prévoit que la personne dont l’état ne lui permet pas de prendre une décision éclairée peut recevoir du juge une assistance, voire même une représentation pour les décisions personnelles qui la concernent.

Cette solution vise l’organisation de la vie quotidienne, mais n’est pas pertinente pour les soins médicaux.

Le code civil précise bien que la personne chargée de la protection de la personne n’a pas le pouvoir de décider des actes médicaux portant gravement atteinte à l’intégrité corporelle de la personne protégée ou à l’intimité de sa vie privée.

Mais qu’est-ce qu’un acte portant atteinte à l’intégrité corporelle de la personne ? Où se situe la différence entre l’acte grave et l’acte anodin ?

Ce texte a été rédigé pour interdire les stérilisations forcées des malades mentaux, mais le code de la santé publique est, là encore tout à fait suffisant. Les pratiques illégales ont disparu en vertu d’une règle spécifique dans le code de la santé publique sur la contraception, l’avortement et la stérilisation.

Le code civil a pour objectif de protéger la volonté de la personne d’être soignée ou non, de choisir librement le médecin en qui elle a confiance, d’être accompagnée par son tuteur pour prendre une décision lourde. Pour la convaincre, celui-ci pourrait veiller à lui faire prendre un deuxième avis, l’aider à choisir un chirurgien. En résumé, agir comme il le ferait pour lui-même. Nul besoin de l’intervention du juge des tutelles qui pourra, en cas de carence du mandataire, ordonner une expertise médicale… à condition qu’il soit saisi de la difficulté.

La difficulté est là, car souvent, les proches, les médecins et les tuteurs prennent en main la vie personnelle de leur proche ou protégé, sans se soucier de sa volonté, de son choix sur la manière dont elle souhaite vivre ou mourir. En raison de ce consensus, les juges des tutelles ne sont pas saisis de la difficulté, et lorsqu’ils le sont, ils se rangent à l’avis général en considérant que la personne n’est pas apte à donner une volonté éclairée en raison de son état de santé.

Ce raisonnement est sans doute valable pour les personnes jeunes, atteintes de troubles psychiatriques ou de déficience mentale. Mais pour les personnes âgées dépendantes, il est nécessaire de réfléchir à la qualité de fin de vie qui leur est offerte. Si elle n’est pas conforme à leur vœu, il serait bon d’essayer de faire en sorte qu’elle soit accompagnée plutôt que soignée, car la vieillesse n’est pas une maladie. C’est ce que nous enseignent le code civil et le code de déontologie médicale, compatibles sur ce point.

Bien des souffrances seraient évitées par la désignation d’une personne de confiance, la rédaction des directives anticipées, accompagnées d’un mandat de protection future. Il y a lieu de le proposer à ses proches, tant qu’ils sont encore aptes à décider pour eux-mêmes.

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