Les pouvoirs du tuteur à la personne pour la signature du contrat d’hébergement et de service
De nombreux membres de la communauté signalent des abus de pouvoir d’un mandataire professionnel à propos des contrats d’hébergement, aussi bien au cours de la période de sauvegarde, en qualité de mandataire spécial, qu’après leur nomination de tuteur aux biens.
Le contrat d’hébergement en EHPAD, dans sa rédaction actuelle, apparait inadapté à la nouvelle répartition des rôles telle que définie par le code de la santé publique et le code de l’action sociale et des familles qui viennent d’être réformés par l’ordonnance du 11 mars 2020 désormais entrée en vigueur.
Les témoignages reçus montrent que les contrats proposés à la signature ignorent la répartition des pouvoirs et persistent à invoquer « le représentant légal » terme qui n’existe plus depuis la loi de 2007 pour une personne majeure.
Quelles sont précisément les missions du tuteur à la personne par rapport à celles du tuteur aux biens lors de la signature et du fonctionnement du contrat d’hébergement ou du contrat de service à domicile ?
Il faut aller chercher dans le code de la santé publique et dans le code de l’action sociale et des familles pour avoir une réponse qui doit être combinée aux pouvoirs donnés aux mandataires par le code civil.
Concrètement :
– Au cours de la période de sauvegarde, le mandataire qui a appréhendé les ressources pour payer les charges détient le pouvoir de valider le contrat d’hébergement, au moins pour garantir le paiement en contrepartie puisqu’il a la main sur les comptes. Mais le directeur doit s’assurer que la personne a consenti à son entrée en EHPAD. En revanche, il ne peut pas se passer de l’avis de la personne de confiance nommée avant la décision de justice qui souvent est un proche. Rappelons, que, faute de décision contraire du juge la personne de confiance reste l’accompagnant pour les soins et l’organisation de la vie quotidienne tant que le juge de la protection des majeurs n’en a pas décidé autrement.
Ainsi le mandataire spécial n’intervient pas pour la validité administrative du contrat qui se réfère au consentement donné personnellement avec l’appui de la personne de confiance, mais seulement en garantie du paiement.
De même, le mandataire spécial ne peut rien décider concernant les sorties ou le contrat obsèques car il n’en a pas légalement le pouvoir. Ce sont des décisions personnelles qu’il n’a pas le pouvoir de mettre en place pour le compte de la personne.
Sous curatelle : en ce qui concerne les droits personnels, le curateur ne doit qu’une simple assistance, qui est de même nature que l’accompagnement par la personne de confiance. Les cas où le juge nomme un curateur à la personne sont rares.
Sous tutelle : selon l’ordonnance du 11 mars 2020, qui a modifié les articles L1111-2, L1111-4, L1111-7, L1111-11, etc. du code de la santé publique, le tuteur aux biens n’a aucun pouvoir concernant les soins de la personne en tutelle.
Il en est de même dans le code de l’action sociale et de familles, qui a été aussi modifié par l’ordonnance du 11 mars 2020.
D’une manière générale, il faut deux conditions : que le tuteur soit expressément nommé tuteur à la personne ET que la personne soit déclarée inapte à exprimer sa volonté. Ainsi le tuteur sans autre précision, ou le tuteur aux biens ne peuvent intervenir pour l’hébergement qui fait partie des droits personnels.
Par exemple : l’article L232-22 CASF prévoit : « Lorsque le bénéficiaire de l’allocation personnalisée d’autonomie est hébergé dans un établissement de santé pour recevoir des soins de courte durée, de suite ou de réadaptation, le président du conseil départemental en est informé par le bénéficiaire, le caséchéant la personne chargée d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne, ou l’équipe médico-sociale mentionnée à l’article L. 232-3. En fonction de la nouvelle situation de l’intéressé, le président du conseil départemental peut réduire le montant de l’allocation personnalisée d’autonomie ou en suspendre le versement dans des conditions fixées par voie réglementaire. »
Ainsi, s’agissant d’une mesure administrative et financière, comme la réduction de l’APA, le code de l’action sociale et des familles prévoit que la démarche relève exclusivement du tuteur à la personne ou de l’équipe médico-sociale qui est légitime à intervenir puisqu’elle fait les évaluations. Le tuteur aux biens n’a pas son mot à dire.
La référence principale se trouve dans l’article L311-3 CASF qui concerne les droits des usagers des services sociaux et médico-sociaux : « L’exercice des droits et libertés individuels est garanti à toute personne prise en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, lui sont assurés :
1° Le respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité, de sa sécurité et de son droit à aller et venir librement ;
2° Sous réserve des pouvoirs reconnus à l’autorité judiciaire et des nécessités liées à la protection des mineurs en danger et des majeurs protégés, le libre choix entre les prestations adaptées qui lui sont offertes soit dans le cadre d’un service à son domicile, soit dans le cadre d’une admission au sein d’un établissement spécialisé ;
3° Une prise en charge et un accompagnement individualisé de qualité favorisant son développement, son autonomie et son insertion, adaptés à son âge et à ses besoins, respectant son consentement éclairé qui doit systématiquement être recherché lorsque la personne est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. A défaut, le consentement de son représentant légal s’il s’agit d’un mineur ou, s’il s’agit d’un majeur faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne, de la personne chargée de cette mesure, qui tient compte de l’avis de la personne protégée, doit être recherché ;
4° La confidentialité des informations la concernant ;
5° L’accès à toute information ou document relatif à sa prise en charge, sauf dispositions législatives contraires ;
6° Une information sur ses droits fondamentaux et les protections particulières légales et contractuelles dont elle bénéficie, ainsi que sur les voies de recours à sa disposition ;
7° La participation directe de la personne prise en charge à la conception et à la mise en œuvre du projet d’accueil et d’accompagnement qui la concerne. Cette personne bénéficie de l’aide de son représentant légal, s’il s’agit d’un mineur ou, s’il s’agit d’un majeur faisant l’objet d’une mesure de protection juridique à la personne qui n’est pas apte à exprimer sa volonté, de la personne chargée de cette mesure, qui tient compte de son avis. »
Ainsi, seul le tuteur à la personne peut assister la personne concernée et notamment pour déterminer et consentir au projet d’accueil et d’accompagnement.
La nouvelle réglementation indique que le consentement de la personne doit être donné pour chaque décision à envisager.
Le tuteur à la personne ne peut pas consentir aux lieux et place de la personne concernée, sauf si elle est déclarée médicalement inapte à exprimer sa volonté.
Enfin, l’article L471-7 est très clair lorsque le mandataire est un agent de l’établissement :
Le présent article s’applique lorsque la personne chargée d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne à l’égard d’un usager d’un établissement ou d’un service social ou médico-social mentionné au I de l’article L. 312-1 est un mandataire judiciaire à la protection des majeurs mentionné au 14° du même I, géré par cet établissement ou ce service ou par le gestionnaire de cet établissement ou de ce service s’il n’est pas doté d’une personnalité morale propre.
Ainsi le tuteur aux biens n’a le pouvoir d’intervenir ni pour les soins médicaux ni pour les contrats d’hébergement ou de service.
Les mandataires exercent leurs pouvoirs librement. Ils ne sont pas responsables l’un envers l’autre. Leur seule obligation est de s’informer mutuellement. Cette obligation est évidemment réciproque, ce qui implique une réelle collaboration.
En cas de désaccord, le juge de la protection des majeurs doit être saisi du litige et doit statuer.
L’effet de cette nouvelle réglementation
En vertu de ces textes, le tuteur à la personne nouvellement nommé peut intervenir pour faire modifier les mesures prises pendant la période de sauvegarde, car le mandataire spécial n’a aucun pouvoir pour donner accord à la vaccination, aux sorties, prendre des décisions de fin de vie, souscrire un contrat obsèques, etc.
Pour le contrat d’hébergement, le tuteur à la personne doit faire valoir ses pouvoirs à la direction et se faire communiquer le contrat et l’annexe et les faire rectifier s’il considère que c’est nécessaire. Il doit signer le contrat et surtout son annexe comportant le plan personnel individualisé. Il est la seule personne à prévenir.
Il a le pouvoir de faire réviser le plan individuel, qui doit être revu tous les 6 mois.
Il n’en reste pas moins que le tuteur aux biens doit aussi participer, car il doit prendre l’engagement de payer.
La nature du contrat
Ce n’est pas parce que le coût et le fonctionnement du contrat sont réglementés que le contrat ne relève pas du code de la consommation et du droit général des contrats.
Rien n’interdit de compléter le contrat et de mentionner que le tuteur à la personne signe en cette qualité, ayant mission de personne de confiance, et que le tuteur aux biens signe pour assurer le paiement des frais d’hébergement.
Le rôle de la personne de confiance
Il est important que le tuteur à la personne se fasse aussi reconnaître comme personne de confiance, ce qui ne va pas toujours de soi car les missions ne sont pas exactement les mêmes.
En fin de vie, la personne de confiance reprend le rôle prépondérant par rapport au tuteur à la personne. C’est à elle de faire connaître quelles seraient les directives anticipées si elles n’ont pas été formalisées. Sa mission d’accompagnement prend le pas sur celle du tuteur à la personne, qui n’est pas mentionnée dans la loi Léonetti que l’ordonnance du 11 mars 2020 n’a pas modifiée sur ce point.
L’ordonnance du 11 mars 2020 a donné les pleins pouvoirs au tuteur à la personne, réduisant le tuteur aux biens à une mission d’exécutant et de payeur, que ce soit pour la signature comme pour le fonctionnement du contrat d’hébergement ou de service.
Cette participation est légitime, car le législateur considère que les aidants familiaux sont les mieux placés pour assurer le bien-être et garantir la liberté, la sécurité de leur proche. C’est en vertu de ce principe que le juge de la protection des majeurs les nomme comme tuteurs à la personne, réservant la gestion administrative et financière aux tuteurs aux biens.
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